Envoyé ce mois d’août aux 32 millions de propriétaires concernés, l’avis de taxe foncière devrait faire monter la moutarde au nez de nombre d’entre eux – quoique, rien n’est moins sûr en cette période de pénurie… Mauvaise nouvelle en effet puisqu’il leur faudra payer grassement cet impôt local, une hausse plus élevée que les années précédentes. L’an dernier, en France, 27 milliards ont été récoltés chez les particuliers, 47 milliards avec les entreprises. Un sacré bonus de rentrée.
Indexée sur l’inflation et perçue sur les biens immobiliers, quels qu’ils soient (logements – même vides, parkings, terrains à usage industriel ou commercial…), la taxe foncière est calculée sur la base de sa valeur locative cadastrale – le loyer théorique du bien s’il était loué –, celle-ci ayant été revalorisée cette année de 3,4 % par l’administration fiscale. Mais les hausses ne sont pas toujours du fait de l’État. Le montant de la taxe finale est décidé par les villes et elles seules. Ainsi, lorsqu’on chiffre à un peu plus de 800 euros en moyenne le montant d’une taxe foncière par bien, la moyenne ne veut rien dire en l’espèce. La taxe peut en effet passer du simple au double selon le lieu où on se trouve. Sur les seuls départements, être propriétaire dans l’Indre a coûté 572,54 euros contre 1 310,19 euros en Essonne (étude de la DGFiP en 2021). On a longtemps prétendu que plus la ville était riche, moins était élevée sa taxe foncière. Or en ces temps de crises multiformes, qui peut se targuer d’être véritablement riche ?…
Cette charge fiscale supplémentaire au retour des vacances est mal perçue : « Encore un frein à la consommation », « La retraite ne bouge pas, les taxes si », « Payer plus mais pourquoi ?… ». Les contribuables dénoncent le manque de transparence des mairies qui sont toujours enclines à encaisser mais tardent toujours à décaisser. À Marseille, avec une hausse de 16,5 %, un avis des impôts affiche 362 euros d’augmentation, plus de 500 chez un autre… Des propriétaires – plus de 200 ! –, dont certains ont très peu de revenus, ont même décidé d’attaquer la ville phocéenne en déposant un recours devant le tribunal administratif pour hausse abusive. Ils veulent une annulation de cette augmentation. Et les exemples sont nombreux : + 15,4 % à Tours, + 15 % à Bagnolet, + 12,6 à Strasbourg (qui créera de nouvelles lignes de transport dans la ville), +8,6 à Annecy, une première depuis plus de 20 ans.
En cette année d’incertitudes – guerre en Ukraine, fortes hausses des prix de l’énergie – les élus se sont retrouvés au pied du mur. Le levier fiscal de « la foncière » s’est alors imposé comme la seule solution pour remplir leurs caisses. Certaines communes admettent qu’elles ont voulu compenser ce qu’elles ont perdu avec une taxe d’habitation en voie de disparition. D’autres pointent les charges élevées et les nécessaires investissements liés à la transition énergétique (rénovation des bâtiments). Patrick Bessac le maire de Montreuil, ville francilienne qui a appliqué l’une des plus fortes augmentations de sa taxe – près de 11 % – se défend : « La raison principale est simple, l’explosion des coûts : + 30 % sur l’électricité, plus 40 sur le gaz. » Sans parler de l’explosion des prix des 10 000 repas que la mairie distribue aux enfants et les besoins en bâtiments.
Selon l’Union des propriétaires indépendants, cet impôt local a augmenté de 27,9 % en dix ans. On estime que deux tiers des villes n’appliqueront pas de hausse proprement dite – ou très peu – certaines villes néanmoins ayant déjà un taux particulièrement élevé, à l’image des 52,6 % de Montpellier. Le dernier tiers par contre risque de donner des sueurs froides en cette période de fortes chaleurs. Délais des paiements : avant le 17 octobre 2022 pour les règlements non dématérialisés, avant le 22 octobre pour les paiements en ligne, et entre le 15 et 17 octobre 2022 pour ceux qui ont mis en place le prélèvement mensuel. Ces derniers devront attendre le 19 septembre pour découvrir sur leur espace Internet le sel de leur note. Le temps de dénicher un pot de moutarde… d’autant qu’à Dijon, on garde plutôt le sourire : la taxe n’a (presque) pas varié.