Nonville : contre les forages pétroliers

Le 10 octobre 2024, le tribunal administratif de Melun a rendu une décision historique qui pourrait bien marquer un tournant décisif dans la bataille juridique contre le […]

Le 10 octobre 2024, le tribunal administratif de Melun a rendu une décision historique qui pourrait bien marquer un tournant décisif dans la bataille juridique contre le projet controversé de forages pétroliers à Nonville, en Seine-et-Marne. Ce projet, qui prévoit la réalisation de forages à 1 500 mètres de profondeur en plein cœur d’une zone stratégique pour l’approvisionnement en eau potable de Paris et de ses environs, a été suspendu pour une durée de 10 mois. Cette décision fait suite à un recours déposé par Eau de Paris, soutenu par la Ville de Paris, les communes de Seine-et-Marne et diverses associations environnementales.
Ce projet, porté par l’entreprise Bridge Energies, a suscité l’indignation des autorités locales et des défenseurs de l’environnement. Les forages envisagés menacent directement l’alimentation en eau potable de près de 180 000 habitants, notamment ceux de Paris, en traversant deux nappes phréatiques cruciales. Le tribunal administratif a jugé l’autorisation préfectorale illégale et a ordonné des mesures correctives pour limiter les risques de pollution de l’eau. Le jugement pointe également une étude d’impact sur les espèces protégées « lacunaire » et déplore l’absence de garanties financières de l’entreprise pour couvrir d’éventuels incidents lors des opérations de forage.
En effet, l’un des risques majeurs du projet réside dans la possibilité de contamination des nappes phréatiques. Pour accéder au pétrole, l’entreprise devra percer à une profondeur de 1 500 mètres, une opération qui nécessite de traverser des couches d’eau souterraine essentielles à l’approvisionnement en eau potable. Un danger considérable pour la santé publique et l’environnement. L’absence d’imperméabilisation d’un fossé périphérique de 440 mètres de long destiné à collecter les eaux de pluie polluées a été relevée par les inspections des installations classées pour la protection de l’environnement. Le tribunal a exigé que Bridge Energies procède à l’imperméabilisation du fossé pour éviter toute infiltration de substances polluantes dans les nappes phréatiques.
La décision du tribunal représente une victoire symbolique et un espoir pour ceux qui se battent contre l’expansion des énergies fossiles. Pour Anne Hidalgo, maire de Paris, cette décision est un « premier pas » important dans un combat beaucoup plus vaste. « Ce projet est non seulement une menace pour l’eau potable de millions de personnes, mais aussi une incohérence totale par rapport aux engagements climatiques de la France », a-t-elle affirmé, en soulignant que, dix ans après l’Accord de Paris, il est inadmissible de permettre de nouveaux forages pétroliers.
Le soutien d’Eau de Paris et des associations engagées pour la défense du climat, comme Greenpeace et France Nature Environnement, renforce l’ampleur de cette bataille. Tous se sont unis pour dénoncer un projet « mortifère » et appellent à une opposition sans faille contre l’exploitation continue des ressources fossiles.
Dans un contexte où la France s’engage à réduire sa dépendance aux énergies fossiles et à investir dans les énergies renouvelables, permettre l’ouverture de nouveaux sites de forages apparaît comme un défi majeur pour la politique climatique du gouvernement. Si les autorités locales se félicitent de cette décision, elles soulignent que l’issue de ce recours n’est qu’une première étape. L’enjeu principal reste désormais la pression exercée sur l’État pour qu’il mette fin définitivement à ces forages.
La municipalité de Paris et les élus locaux réclament une prise de position claire de l’État, demandant la suspension immédiate de tout nouveau projet pétrolier, non seulement à Nonville, mais sur l’ensemble du territoire national. « Nous devons cesser d’investir dans les énergies fossiles et réorienter nos efforts vers la transition énergétique, une transition nécessaire pour préserver notre environnement et garantir un avenir durable aux générations futures », a rappelé Anne Hidalgo.
Ce sursis à statuer est donc un succès important pour la défense de l’environnement, mais aussi pour la lutte contre les projets nuisibles aux ressources naturelles essentielles, comme l’eau potable. Les 10 mois supplémentaires accordés par le tribunal permettent de poursuivre les démarches juridiques et politiques pour obtenir l’abandon total du projet.
Alors que la mobilisation contre ce type de projets prend de l’ampleur, cette victoire devant le tribunal administratif montre qu’une opposition unie, entre collectivités locales et associations, peut obtenir des résultats concrets. La bataille n’est pas encore terminée, mais elle a ouvert une brèche dans la logique du « toujours plus de pétrole » en France. La France pourra-t-elle vraiment tenir ses engagements climatiques sans mettre un terme à ce genre de projets destructeurs ? La question reste ouverte, mais ce recours judiciaire a envoyé un message fort : le combat pour la protection de l’eau et du climat est loin d’être terminé.