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Crise du logement : encadrement des loyers

Par Marc Blanc
Publié le 26 juin 2025 à 14h20 – Temps de lecture : 5 minutes

À l’initiative de la Ville de Paris, plusieurs collectivités territoriales accompagnées de la Fondation pour le logement des défavorisés ont décidé de se réunir et d’unir leurs voix face à un risque majeur : la suppression de l’encadrement des loyers. Mis en place de manière expérimentale depuis 2018 dans le cadre de la loi Élan, ce dispositif, qui prendra fin en novembre 2026 si aucune mesure de prolongation n’est adoptée, a pourtant largement démontré son efficacité et son utilité sociale. Dans un contexte national marqué par une crise du logement croissante et une tension extrême sur les marchés locatifs des grandes agglomérations, les collectivités tirent la sonnette d’alarme et plaident pour la pérennisation et l’amélioration de cet outil de régulation.
Depuis sept ans, l’encadrement des loyers a permis de contenir la flambée des prix dans plusieurs territoires soumis à de fortes tensions immobilières. À Paris notamment, les effets bénéfiques du dispositif sont aujourd’hui clairement mesurables. Selon une étude récente de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), entre juillet 2019 et juin 2024, le dispositif a permis de freiner la hausse des loyers de 5,2 %, ce qui équivaut à une économie moyenne de 1 000 euros par an pour un locataire parisien par rapport à ce qu’il aurait payé sans cette mesure. Ces résultats, tangibles et objectivés, prouvent que cette politique publique constitue un levier efficace pour maintenir un certain équilibre dans des villes où la spéculation foncière et la demande excédent largement l’offre.
Malgré ce bilan positif, l’encadrement des loyers reste fragile et sa remise en cause inquiète les acteurs du logement et les collectivités locales qui l’ont expérimenté. C’est pourquoi les villes engagées dans ce dispositif, représentant à elles seules 72 communes réparties sur le territoire national, ont décidé de produire une contribution commune, remise officiellement à Valérie Létard, ministre du Logement, au terme de cette journée de mobilisation. Ce document de travail collectif dresse un état des lieux des résultats obtenus et propose plusieurs pistes concrètes pour renforcer et élargir l’efficacité de cette régulation.
Parmi les principales préconisations, les collectivités demandent en priorité que l’encadrement des loyers soit rendu permanent, en sortant de son statut expérimental. Elles proposent également d’élargir le périmètre des communes éligibles, en assouplissant des critères aujourd’hui trop restrictifs qui empêchent de nombreuses villes en zone tendue d’y prétendre. Le décret du 25 août 2023 a certes permis d’étendre la liste des territoires classés en zone tendue, intégrant ainsi des villes comme Rennes, Annecy ou Saint-Denis de La Réunion. Cependant, le délai fixé par la loi Élan pour candidater au dispositif est arrivé à son terme, privant ainsi de nombreuses autres communes de la possibilité d’activer cet outil de régulation, pourtant indispensable dans un contexte de forte pression immobilière.
Autre sujet d’alerte : l’utilisation détournée du complément de loyer (CDL). Pensé à l’origine pour valoriser des caractéristiques exceptionnelles de certains logements, ce dispositif est aujourd’hui largement abusé, utilisé pour justifier des loyers supérieurs pour des éléments aussi banals qu’une simple machine à laver, un placard ou la proximité d’une station de métro. Les collectivités demandent donc que ce complément soit strictement encadré et que les abus constatés cessent.
Dans le même esprit, elles proposent de renforcer les sanctions à l’encontre des propriétaires et des plateformes qui ne respecteraient pas le plafonnement légal des loyers, en augmentant les amendes prévues en cas de dépassement. Afin de faciliter les contrôles et de rééquilibrer le rapport de force entre locataires et bailleurs, les élus suggèrent aussi d’inverser la charge de la preuve. Aujourd’hui, dans un marché locatif extrêmement tendu, beaucoup de locataires renoncent à signaler des irrégularités de peur de perdre leur logement. En rendant obligatoire l’enregistrement des locations et en permettant aux collectivités d’effectuer des contrôles sans attendre un signalement, cette mesure rendrait le dispositif beaucoup plus opérationnel.
Enfin, les collectivités plaident pour que l’encadrement des loyers s’applique à l’ensemble des types de baux. En effet, de nombreux contournements existent aujourd’hui à travers des montages juridiques comme les baux mobilité, les résidences services ou encore le coliving. Ces offres, souvent très lucratives, échappent à l’encadrement et participent à la hausse des loyers moyens dans les grandes villes. Les élus demandent donc que ces pratiques soient intégrées au dispositif afin de garantir un véritable contrôle global du marché locatif.
À travers cette mobilisation collective, la Ville de Paris, les collectivités partenaires et la Fondation pour le logement des défavorisés entendent défendre une politique publique essentielle à la préservation de la mixité sociale dans les centres-villes et à la protection des locataires face à des loyers devenus hors de portée pour une grande partie de la population. Elles rappellent que dans un contexte de crise aiguë du logement, marqué par des inégalités territoriales croissantes, il est indispensable de maintenir et de renforcer des outils concrets, capables d’agir rapidement et efficacement sur le quotidien des habitants.