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Quand la mode affiche son impact

Par Assia Bedja
Publié le 9 septembre 2025 à 10h29 – Temps de lecture : 4 minutes

À partir du 1er octobre 2025, les étiquettes de vêtements ne se limiteront plus au prix en euros. Elles afficheront aussi leur coût environnemental, une donnée encore absente des rayons mais appelée à transformer la manière dont nous consommons la mode. Derrière cette initiative inédite, impulsée conjointement par Éric Lombard, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, Marc Ferracci, ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie, et Véronique Louwagie, ministre déléguée au Commerce, à l’Artisanat, aux PME et à l’Économie sociale et solidaire, se joue une ambition simple mais décisive : rendre visible ce que la planète paie pour chaque vêtement fabriqué, transporté, porté puis jeté.

Le principe est limpide : attribuer à chaque produit vestimentaire une note exprimée en « points d’impacts ». Ce chiffre synthétise l’ensemble de son empreinte écologique, depuis la production des matières premières jusqu’à la fin de vie de l’article. Derrière ces points se cache une addition invisible mais lourde : émissions de gaz à effet de serre, consommation d’eau douce, recours aux pesticides, utilisation de ressources fossiles, rejets de microfibres dans les océans ou encore export massif de vêtements usagés vers des pays tiers. Plus le score est élevé, plus le vêtement coûte cher à la planète, bien au-delà du montant inscrit sur l’étiquette.

La méthode de calcul s’appuie sur la PEF, la « Product Environmental Footprint », une méthodologie développée par la Commission européenne pour uniformiser l’évaluation de l’impact environnemental des biens de consommation. La France a choisi d’aller plus loin en ajoutant des critères spécifiques qui reflètent des enjeux souvent passés sous silence, comme la durabilité des vêtements ou les impacts liés au marché de la seconde main et aux exportations hors d’Europe. L’objectif n’est pas seulement de pointer du doigt les excès d’une industrie très polluante, mais aussi d’encourager les marques à repenser leur chaîne de valeur et à améliorer leur éco-conception.

Le dispositif repose pour l’instant sur le volontariat, conformément à la demande de Bruxelles. Les entreprises qui souhaitent y participer devront déclarer leurs données sur un portail numérique mis en place par l’État. Certaines grandes enseignes de prêt-à-porter ont déjà commencé à s’y préparer, tandis que des marques éco-responsables y voient une opportunité de prouver concrètement leurs engagements. Des experts spécialisés dans la donnée environnementale accompagnent ce déploiement, afin que l’évaluation repose sur des bases solides et comparables.

Pour les consommateurs, cet affichage pourrait bouleverser le rapport au vêtement. Demain, choisir un t-shirt ne se fera plus uniquement en fonction de sa couleur, de sa coupe ou de son prix en caisse, mais aussi de son coût caché pour la planète. De nombreux observateurs y voient un levier puissant pour réorienter la consommation vers des choix plus responsables et plus durables. Pour les industriels, il s’agit également d’un outil stratégique : ceux qui feront l’effort de réduire leur empreinte environnementale pourront le faire savoir et se différencier dans un marché saturé. À terme, cela pourrait même devenir un facteur de compétitivité à l’échelle internationale.

Le processus a été long à mettre en place. La mesure a été soumise à une consultation publique fin 2024, suscitant de nombreux échanges entre ONG, industriels et citoyens. Après plusieurs mois d’ajustements, elle a reçu l’aval de la Commission européenne en mai 2025, ouvrant la voie à une première mise en œuvre nationale. La France devient ainsi le premier pays à expérimenter ce système à grande échelle. Son succès sera suivi de près par les autres États membres, car il pourrait servir de base à une harmonisation européenne.