La France semble marquer le pas dans sa lutte contre le dérèglement climatique. Selon les premières estimations du Citepa, les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour le premier semestre 2025 devraient enregistrer une légère baisse de 0,6 %, représentant environ 1,1 million de tonnes de CO2 équivalent (Mt CO2e) en moins par rapport au premier semestre 2024. Sur l’ensemble de l’année, la diminution prévisionnelle se situe autour de 0,8 %, soit un total estimé de 366,3 Mt CO2e. Bien que cette baisse reste positive, elle contraste fortement avec les efforts observés en 2023 (-6,8 %) et 2024 (-1,8 %), et se situe largement en deçà des besoins pour atteindre l’objectif de réduction de 50 % des émissions brutes d’ici 2030 fixé par la Stratégie nationale bas-carbone n° 3 et les engagements européens.
Cette légère diminution observée au premier semestre résulte essentiellement de la baisse des émissions dans l’industrie (-1,4 Mt CO2e) et dans une moindre mesure dans les transports (-0,8 Mt CO2e). Toutefois, cette amélioration est partiellement compensée par une hausse des émissions dans les bâtiments (+0,5 Mt CO2e) et dans l’agriculture (+0,5 Mt CO2e). Le secteur de l’énergie, quant à lui, reste stable, avec seulement +0,03 Mt CO2e. Ces chiffres révèlent que, malgré certains progrès sectoriels, l’ensemble des efforts reste insuffisant pour atteindre les cibles climatiques françaises.
Pour l’année complète, les projections du Citepa, établies à partir d’indicateurs macroéconomiques et des tendances observées, confirment une réduction globale limitée de 0,8 %. Cette trajectoire est nettement en deçà de celle attendue, puisque la France devrait réduire ses émissions de 5 % par an pour rester sur la voie de l’objectif 2030. Ce constat met en lumière la nécessité d’une mobilisation accrue dans tous les secteurs, qu’il s’agisse de l’industrie, des transports, de l’agriculture, des bâtiments ou de l’énergie, pour atteindre des réductions significatives et durables.
Face à ces résultats, Agnès Pannier-Runacher, ministre démissionnaire de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche, alerte sur l’urgence d’agir : « Les résultats des émissions de gaz à effet de serre ne sont pas bons. Ils ne sont pas à la hauteur de l’urgence climatique ni des capacités de la France. Nous savons innover, nous savons nous adapter. Nous l’avons déjà prouvé. Avec la crise énergétique, chaque secteur, chaque collectivité, chaque citoyen s’est mobilisé pour la sobriété. Nous avons su réagir vite, et fort. Je refuse d’accepter ce statu quo. Le prix de l’inaction serait bien trop lourd. Ce chiffre nous rappelle que nous sommes capables de lutter efficacement contre le dérèglement climatique. Nous devons nous ressaisir et tracer un cap énergétique et écologique clair, malgré la situation politique. »
Le Citepa publie chaque trimestre un baromètre des émissions de GES et de polluants atmosphériques, permettant de suivre l’évolution des émissions et de comparer les chiffres par rapport à l’année précédente. Ces données restent provisoires et ne couvrent pas tous les secteurs, notamment certains flux liés aux déchets ou aux carburants, qui sont reportés de l’année précédente. Depuis 2025, le Citepa propose également des estimations prévisionnelles de l’année en cours, en collaboration avec l’Insee, afin d’anticiper l’atterrissage annuel et d’éclairer les décisions des pouvoirs publics.
Ces chiffres mettent en évidence que, malgré les efforts réalisés depuis 2017 – plus de 20 % de baisse cumulée des émissions –, la France est à un tournant critique. Les progrès récents ne suffisent pas et le ralentissement constaté en 2025 est un signal d’alerte : pour respecter ses engagements climatiques, le pays doit intensifier ses actions, repenser certains secteurs émetteurs et renforcer la mobilisation collective des entreprises, des collectivités et des citoyens. La réduction durable des émissions nécessite non seulement des politiques publiques ambitieuses, mais aussi l’adhésion et la responsabilité de chaque acteur. Il s’agit de transformer les efforts ponctuels en un engagement constant et structuré, capable de garantir que la France reste sur la trajectoire de ses objectifs climatiques à l’horizon 2030.