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Violences conjugales : une quasi-stabilité en 2024 après plusieurs années de hausse continue

Par Samy Abtroun
Publié le 25 octobre 2025 à 11h10 – Temps de lecture : 4 minutes

Après plusieurs années de progression, le nombre de victimes de violences conjugales enregistrées par les services de sécurité semble marquer une pause. En 2024, la police et la gendarmerie ont recensé 272 400 victimes de violences commises par un partenaire ou un ex-partenaire, selon les chiffres publiés par le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI). Ce chiffre, quasi stable par rapport à 2023 (+0,4 %), traduit une forme de stagnation après une hausse spectaculaire observée depuis 2016.

Entre 2016 et 2023, le nombre de faits signalés avait doublé, sous l’effet conjugué de la libération de la parole, des campagnes de sensibilisation et de l’amélioration de l’accueil des victimes au sein des commissariats et brigades. La stabilisation observée en 2024 ne signifie donc pas une baisse des violences, mais plutôt une période de consolidation après plusieurs années d’efforts pour mieux recueillir la parole des victimes et améliorer la réponse institutionnelle.

Les chiffres confirment toutefois l’ampleur persistante du phénomène. Les violences physiques représentent toujours la majorité des faits recensés (64 %), devant les violences verbales ou psychologiques (31 %) et les violences sexuelles (5 %). Dans 84 % des cas, les victimes sont des femmes, souvent jeunes : près des trois quarts (73 %) ont entre 20 et 45 ans. Les mis en cause sont quant à eux des hommes dans 85 % des situations.

Les données territoriales montrent une répartition très inégale des signalements. Comme l’an dernier, certains départements affichent des taux particulièrement élevés de victimes rapportés à la population féminine : le Pas-de-Calais, la Réunion, le Nord, la Somme et la Seine-Saint-Denis figurent de nouveau parmi les zones les plus concernées.

Mais ces chiffres officiels ne reflètent qu’une partie de la réalité. Selon l’enquête de victimation « Vécu et Ressenti en matière de Sécurité » (VRS 2023), seule une victime sur six déclare avoir porté plainte pour les faits subis. Ce décalage met en lumière la persistance d’un important chiffre noir : la majorité des violences conjugales restent encore hors du champ judiciaire, faute de dépôts de plainte ou de démarches auprès des autorités. L’étude VRS estime que neuf adultes sur mille se déclarent victimes de violences conjugales en France chaque année.

Les statistiques publiées par le SSMSI rappellent également que 30 % des victimes rapportent des faits survenus avant l’année de leur enregistrement, signe que certaines situations de violence sont signalées avec retard, souvent à l’occasion d’un nouvel épisode ou d’un accompagnement par des structures d’aide.

Créé en 2014, le SSMSI est l’organisme chargé de produire les statistiques officielles sur la délinquance et la sécurité intérieure. Placé sous la double tutelle de la police et de la gendarmerie nationales, il travaille en lien avec l’Insee et l’ensemble du service statistique public, garantissant la neutralité et la fiabilité des données produites. Ses travaux visent à éclairer les politiques publiques, mais aussi à permettre au grand public et aux associations d’accéder à des informations fiables sur les phénomènes de violence et d’insécurité. Si la stabilité des chiffres en 2024 peut être interprétée comme un signe d’inflexion, les experts rappellent qu’elle ne doit pas masquer la gravité du problème : les violences conjugales continuent d’affecter des centaines de milliers de personnes chaque année en France. Derrière les statistiques, c’est tout un travail de prévention, d’éducation et de protection qui reste à poursuivre, afin que la libération de la parole s’accompagne d’une véritable régression des faits eux-mêmes.