« En attaquant le territoire souverain, le président d’Azerbaïdjan s’est rendu coupable d’une forfaiture pas moins barbare – dans son principe et toutes proportions gardées – que celle de V.V. Poutine. Dans son motif, la forfaiture est pire. Poutine veut prendre la géographie. Aliev veut annuler l’Histoire. Le premier conquiert. Le second efface. Or, vous le savez (car depuis la guerre de 2020, vous n’avez jamais trahi les liens immémoriaux qui nous attachent à cet éclat de l’Europe fiché au seuil de l’Orient), l’Arménie n’est pas un territoire comme un autre. Sa foi, son histoire, sa mémoire, sa culture, son chagrin, sa terre et ses morts en font le poste avancé de l’Europe. L’Arménie est notre ombre projetée au seuil de la steppe. Anomalie démocratique au milieu des satrapies, le petit verrou entrave l’expansion turque. Sa mort ne sera pas une mort comme les autres à l’affiche du concert des nations. Les Arméniens ne demandent qu’une chose. Celle qu’on demande à la France puisque c’est la France qui a inventé cette prière, il y a deux siècles : le droit d’un peuple à disposer de lui-même. »
Lettre de Sylvain Tesson au président Emmanuel Macron