Dans la nuit du 4 au 5 octobre 2021, la jeune Dinah Gonthier, 14 ans, élève de seconde à Mulhouse, était retrouvée pendue à son domicile à Kingersheim (Haut-Rhin). Sa famille portait plainte le mois suivant pour « harcèlement », « homicide involontaire » et « incitation au suicide ». Soutenant que leur enfant était victime de harcèlement scolaire depuis sa 4e, elle accusait alors l’équipe éducative du collège de n’avoir jamais pris ce problème avec la gravité qu’il imposait.
Après avoir ouvert deux enquêtes pour harcèlement et recherche des causes de la mort, Le parquet de Mulhouse en jugeait autrement le 30 septembre dernier en classant sans suite la plainte de la famille. Pour la procureure de Mulhouse Edwige Roux-Morizot, « la mort de Dinah n’est pas consécutive à un harcèlement scolaire ». Si elle reconnait que « des échanges un peu houleux » avec d’anciennes copines ont rendu Dinah très malheureuse, elle souligne qu’aucun « élément objectif ne ressort qui puisse être qualifié de harcèlement ». Selon la magistrate, l’enquête a été « objective, exhaustive, impartiale et très complète » et les témoignages ont permis de dresser un portrait de Dinah, « jeune fille brillante, absolument pas isolée », mais aussi « une personnalité complexe, avec un déséquilibre psychique… une soif de reconnaissance, toujours insatisfaite ».
Ce 10 novembre, à l’occasion de la journée nationale contre le harcèlement, l’avocate de la famille, Me Laure Boutron-Marmion, a annoncé le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile auprès d’un juge d’instruction du tribunal judiciaire de Mulhouse, pour harcèlement moral et complicité, provocation au suicide, omission de porter secours et homicide involontaire. « La famille de Dinah Gonthier et son conseil ne conçoivent pas que l’on puisse classer sans suite une enquête inachevée », a déclaré l’avocate, ajoutant que le parquet n’a pas jugé utile de réaliser des investigations élémentaires dans une demande d’actes complémentaires transmise le 28 septembre 2022. Me Laure Boutron-Marmion relève notamment qu’« aucune des conversations des élèves sur les réseaux sociaux n’a été exploitée par les enquêteurs ». De même l’exploitation du téléphone de la jeune fille n’a pas été réalisée « sur toute la période de la classe de 3e, période au cours de laquelle Dinah a subi les faits de harcèlement précisément dénoncés dans la plainte de sa famille ».
Cette affaire interpelle une fois encore sur le harcèlement scolaire, ses dérives, ses limites et l’entendement de ce terme par la justice, mais aussi la société civile. La jeune Dinah aurait connu ses premiers problèmes en 4e après avoir fait son coming-out à quelques-unes de ses « amies ». Moqueries sur les réseaux sociaux, insultes de « sale lesbienne » et « sale métisse »… puis inscriptions abjectes sur les murs, lettres de menaces, brimades, agressions. Elle avait fait une première tentative de suicide en mars 2021. Des chamailleries de gamines, jugeait-on à l’époque. Des chamailleries et une vie perdue.