Retraites : un constat inquiétant

Le système de retraite est déficitaire en moyenne sur les 25 prochaines années, d’après le dernier rapport datant de septembre 2022 du Conseil d’orientation des retraites […]

Le système de retraite est déficitaire en moyenne sur les 25 prochaines années, d’après le dernier rapport datant de septembre 2022 du Conseil d’orientation des retraites (Cor). C’est un modèle par répartition : ce sont les actifs qui financent les pensions des retraités. Cette solidarité entre les générations doit être maintenue. Autre donnée, accumuler les déficits, c’est faire payer les générations futures, qui devront assumer une dette sociale. Ce serait une remise en cause du pacte social français. Ainsi en retenant une hypothèse de plein-emploi, le système de retraite sera déficitaire dès 2023 et ne reviendra jamais à l’équilibre, si on ne fait aucune réforme. Le déficit du système atteindra 12,4 Md€ en 2027, 13,5 Md€ en 2030 et 21,2 Md€ en 2035. Les déficits accumulés d’ici 10 ans atteindraient environ 150 Md€.

Le déficit résulte d’une part, d’un déséquilibre démographique. Il y a aujourd’hui 17 millions de retraités et ils seront 20 millions d’ici 2040. La population active, quant à elle, reste stable, à 30 millions de personnes. Alors qu’il y avait plus de 3 cotisants pour 1 retraité en 1970 et 2 cotisants pour 1 retraité en 2000, il n’y en a plus que 1,7 aujourd’hui et les projections prévoient une baisse à 1,4 cotisant pour 1 retraité d’ici 2050. De plus la durée passée à la retraite en France est l’une des plus élevées d’Europe (22,2 ans pour les hommes et 26,7 ans pour les femmes), du fait d’un âge de départ à la retraite parmi les plus bas combiné à une espérance de vie plus élevée.

Le taux d’emploi des seniors est l’un des plus bas d’Europe. Seulement 33 % des 60-64 ans sont en emploi en France, contre environ 45 % dans l’ensemble de l’Union européenne et près de 60 % en Allemagne et 70 % en Suède. Les seniors sont pourtant moins exposés au chômage que les autres (6,9 % pour les 60-64 ans contre 7,4 % pour la population générale). Ce taux d’emploi aussi bas s’explique donc principalement par le fait que les Français partent en retraite en moyenne plus tôt que dans d’autres pays. Les effets des réformes de 2010 et de 2014 le confirment : en 10 ans, le taux d’emploi des 60-64 ans a presque doublé, passant de 19 % à 33 %. Relever le défi du plein-emploi, c’est aussi se concentrer sur l’emploi des seniors pour favoriser la pérennité de notre modèle social. Maintenir en activité un peu plus longtemps les seniors doit permettre de générer des effets sur l’emploi et la croissance.

Aujourd’hui, un retraité a en moyenne un niveau de vie équivalent à celui du reste de la population et le taux de pauvreté des retraités est deux fois inférieur à celui du reste de la population. C’est l’une des situations les plus favorables d’Europe, alors même que la durée passée en retraite est l’une des plus longues. Si rien n’est fait, les déficits s’accumuleront et fragiliseront la pérennité de notre système, avec le risque que cela se traduise inévitablement à terme par une baisse des pensions.

Le système de retraite est composé de 42 régimes et 13 systèmes de réversion différents. Il est donc très complexe et génère des situations souvent inéquitables, héritage de la construction historique de notre modèle social. Les régimes spéciaux, créés avant la sécurité sociale, ne correspondent plus, pour la plupart d’entre eux, aux réalités des métiers d’aujourd’hui. Souvent, les salariés des régimes spéciaux ont des conditions de travail similaires à d’autres salariés affiliés au régime général, mais bénéficient de règles différentes considérées comme inéquitables.

L’âge légal sera progressivement relevé à compter du 1er septembre 2023, et sera ainsi fixé à 63 ans et 3 mois à la fin du quinquennat, puis atteindra la cible de 64 ans en 2030. La durée d’assurance cible pour bénéficier du taux plein est maintenue à 43 annuités. Toutefois, la montée en charge pour atteindre cette cible s’achèvera désormais en 2027 au rythme d’un trimestre supplémentaire par année. Cette seconde mesure permet de partager l’effort entre les salariés, selon leur âge de début de carrière. L’âge d’annulation de la décote restera à 67 ans. Les personnes partant à cet âge bénéficieront du taux plein, même sans avoir validé la durée d’assurance requise.

Le rétablissement de l’équilibre par l’augmentation des cotisations alourdirait considérablement les prélèvements obligatoires sur les ménages et les entreprises. Il impliquerait une augmentation moyenne de 400 € de cotisations par an pour parvenir à l’équilibre en 2027 et 550 € pour combler le déficit en 2032. Le poids des prélèvements obligatoires s’établit déjà à un niveau très élevé en France (45 %) par rapport aux autres pays de l’OCDE (35 %). Une baisse du niveau des pensions ne serait pas non plus acceptable. Si elle devait à elle seule résorber le déficit du système de retraites, elle représenterait une baisse de plus de 700 € par retraité par an en 2030.