À l’occasion du débat organisé par la Commission nationale du débat public, intitulé « L’eau potable en Île-de-France », qui porte de fait sur le projet de traitement […]
À l’occasion du débat organisé par la Commission nationale du débat public, intitulé « L’eau potable en Île-de-France », qui porte de fait sur le projet de traitement de l’eau que souhaite engager le Syndicat des Eaux d’Île-de-France (Sedif) sur ses usines, des élus franciliens s’associent afin de proposer un modèle alternatif durable et responsable de la gestion de l’eau aux 12 millions de Franciliens concernés.
Dan Lert, adjoint à la Maire de Paris et président d’Eau de Paris, Michel Bisson, président de Grand Paris Sud, Éric Braive, président de Cœur d’Essonne, Fatah Aggoune, conseiller délégué à l’EPT Grand Orly Seine Bièvre, président de la Régie Eaux de la Seine et de la Bièvre et Jean-Claude Oliva, vice-président d’Est Ensemble et président de la Régie, ont expliqué les raisons de leur opposition au projet de traitement de l’eau par osmose inverse basse pression (OIBP) mené par le Sedif, et leur choix résolu, à l’échelle de l’Île-de-France et du bassin parisien, d’une approche fondée sur une véritable complémentarité entre prévention à la source des pollutions et juste traitement de l’eau potable.
« Ce projet à 1 milliard d’euros est particulièrement énergivore et polluant. Nous demandons son retrait pur et simple et défendons une vision diamétralement opposée de prévention des pollutions à la source et de sobriété industrielle. La prévention des pollutions à la source n’est plus une option. Avec le changement climatique, c’est une nécessité », a déclaré Dan Lert, adjoint à la Maire de Paris et président d’Eau de Paris.
Les élus ont remis leurs contributions au débat public sous forme de cahiers d’acteurs présentant de sérieuses inquiétudes sur les conséquences écologiques, énergétiques, économiques et sociales à l’échelle de l’Île-de-France, et leurs propositions alternatives pour une gestion durable de l’eau.
Des questionnements communs sur les impacts écologiques, économiques et énergétiques du projet du projet du Sedif
Dans le cadre du débat public en cours, le Sedif a produit un document de présentation de son projet, qui soulève de nombreuses inquiétudes, que les élus relaient dans leurs cahiers d’acteurs. Ainsi, cette technologie traditionnellement utilisée pour le dessalement d’eau de mer est extrêmement énergivore, multipliant par deux à trois les consommations d’un traitement classique. Avec ce procédé, l’eau est injectée à travers une membrane qui filtre l’eau à un niveau tel qu’elle doit être complétée par des minéraux qui sont réinjectés avant distribution au robinet ou diluée avec d’autres eaux passées par des process différents pour être consommable. Par ailleurs, la production d’eau potable nécessite un prélèvement d’eau dans le milieu naturel de 15 % à 20 % supérieur aux filières actuelles pour une production identique. Cet accroissement des prélèvements apparaît en fort décalage avec la priorité donnée à l’échelle nationale à la sobriété en eau face aux sécheresses actuelles et à venir.
Un ensemble de questions se posent quant au rejet dans le fleuve des eaux de traitements de ce procédé. Le Sedif indique à ce stade ne pas avoir prévu de filières d’élimination complète de ces eaux de traitements. Il reporte donc cette charge sur les autres acteurs de l’eau. À l’échelle du bassin Seine-Normandie, c’est une approche non-coopérative, inefficace et consommatrice de nombreuses ressources, en énergie comme en réactifs.
Les élus alertent également sur le coût du projet, estimé aujourd’hui à 870 M€ dans un contexte d’inflation dans le secteur de la construction, qui aura un impact significatif sur la facture d’eau des usagers. À ce stade, le Sedif estime que cette technologie se traduira par une augmentation du prix de l’eau de 27 c€/m3, ce qui représente plus de 20 % d’augmentation de la part eau potable et le double du seul coût actuel de production de l’eau.
« Les services publics doivent jouer un rôle de bouclier pour les populations les plus fragiles et ne pas alimenter l’inflation », a expliqué Jean-Claude Oliva, vice-président d’Est Ensemble et président de la régie d’eau d’Est Ensemble
Des territoires qui partagent une même vision de long terme et solidaire pour la gestion de l’eau à l’échelle de l’Île-de-France : la complémentarité entre prévention et traitement
Les élus des territoires défendent une vision durable de l’eau qui privilégie une approche préventive de la pollution de l’eau et proposent de généraliser la protection des zones de captages, en accompagnant les agriculteurs dans la transformation de leurs activités vers un modèle plus durable. En unissant leurs moyens et leurs démarches, les acteurs de l’eau d’Île-de-France pourraient rapidement protéger non seulement les ressources souterraines mais renforcer la préservation des eaux de rivière, indispensables à l’alimentation en eau potable de nombreux territoires.
Dans un rapport de 2013, l’Anse soulignait la faible part de l’eau de boisson dans l’exposition des populations aux micropolluants (de 1 % à 5 % de la dose journalière admissible pour les substances suivies). Le choix d’un traitement curatif conduirait donc à consacrer des montants d’argent public faramineux pour ne traiter qu’une part très faible de l’exposition aux substances.
« Si on ne fait rien pour interdire ou réduire les pollutions en amont, on est dans une histoire sans fin. Le meilleur traitement, c’est la prévention des pollutions à la source », a ajouté Éric Braive, président de Cœur d’Essonne Agglomération.
Pour un Grenelle de l’eau potable en Île-de-France
Les territoires partenaires en appellent aussi à l’État, pour l’organisation d’un débat à la hauteur de ces enjeux et à la bonne échelle, celle du bassin hydrographique de la Seine. Un seul acteur, même majeur, ne doit pas se mettre en position d’établir une norme en matière de traitement. « Face aux enjeux du réchauffement climatique, nous avons besoin d’un travail commun des opérateurs de l’eau pour protéger la ressource et assurer l’avenir. Cette technologie va à l’encontre de cette solidarité entre collectivités », déclare Fatah Aggoune, conseiller délégué à Grand Orly Seine Bièvre et Président de la Régie Eaux de la Seine et de la Bièvre.
Les élus de ces territoires demandent l’organisation d’un Grenelle francilien de l’eau potable, afin que toutes ces questions soient étudiées avec la rigueur nécessaire et que les approches individuelles cèdent le pas à une approche collective. « Il est plus que temps que les acteurs de la gestion de l’eau en Île-de-France se mettent autour de la table pour répondre aux vrais défis de ce siècle : transition écologique, changement climatique, accès pour tous et toutes à ce bien commun. L’État doit prendre ses responsabilités et mettre fin aux démarches individualistes qui ne profitent qu’aux acteurs privés », a expliqué Michel Bisson, président de Grand Paris Sud.
Ce Grenelle doit réunir aux côtés des territoires, les pouvoirs publics concernés (ARS, AESN, etc.), les usagers domestiques et leurs associations, et le monde agricole dans sa diversité.