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Agir contre le suicide

Par Samy Abtroun
Publié le 15 septembre 2025 à 18h45 – Temps de lecture : 5 minutes

En France, le suicide reste l’une des principales causes de mortalité évitable. Chaque année, plus de 9 000 personnes meurent ainsi et près de 200 000 autres tentent de mettre fin à leurs jours. Derrière ces chiffres se cachent des souffrances silencieuses, des familles dévastées et un immense besoin d’accompagnement. Les jeunes et les personnes âgées, particulièrement vulnérables, sont au cœur des préoccupations des pouvoirs publics. C’est dans ce contexte que la Journée mondiale de prévention du suicide rappelle, chaque 10 septembre, l’importance d’un engagement collectif et continu.

En 2025, cette mobilisation s’inscrit dans la Grande Cause nationale Santé mentale. Sous l’impulsion du ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, la stratégie nationale de prévention du suicide poursuit son déploiement. Elle repose sur un principe simple : réduire le risque suicidaire en agissant à toutes les étapes — repérage, intervention, accompagnement, suivi — et construire une culture de prévention partagée par l’ensemble des acteurs.

L’un des piliers de cette stratégie est le dispositif VigilanS, qui a profondément transformé la prise en charge après une tentative de suicide. Présent dans dix-sept régions, dont quatre en Outre-mer, ce programme permet de maintenir un contact actif avec les personnes vulnérables à travers des appels, des courriers ou des visites. Des études publiées dans des revues internationales ont montré son efficacité pour diminuer le risque de récidive et renforcer le lien de confiance entre soignants et patients.

Au-delà de ce suivi individualisé, l’État mise sur la formation. Former les professionnels de santé, mais aussi les citoyens volontaires, à reconnaître les signes de détresse et à intervenir rapidement peut sauver des vies. Ces formations participent à la constitution de réseaux de vigilance dans tout le pays, capables d’assurer une prise en charge rapide et sécurisée des personnes en crise. Elles favorisent également une meilleure coordination entre hôpitaux, associations, structures médico-sociales et familles.

Autre axe essentiel : la prévention de la contagion suicidaire. Car chaque suicide peut avoir un effet d’entraînement sur l’entourage et au-delà. Le programme Papageno, en référence au personnage de Mozart sauvé du suicide par ses amis dans « La Flûte enchantée », incarne cette approche innovante. Il consiste à identifier et sécuriser les lieux à risque, à accompagner les personnes confrontées à des suicides ou des tentatives dans leur environnement, à former les journalistes pour un traitement responsable de l’information et à épauler les institutions lors d’une gestion post-suicide. Cette démarche réduit les risques de propagation et contribue à changer le regard de la société sur le suicide, souvent entouré de tabous.

Dans ce dispositif global, le numéro 3114 occupe une place centrale. Gratuit, accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sur tout le territoire, il met en relation les personnes en détresse, leurs proches et les professionnels avec des infirmiers, psychologues et psychiatres spécialement formés. Depuis sa création, il a déjà reçu plus d’un million d’appels. Pour beaucoup, ce numéro représente la première porte d’entrée vers l’aide et le soutien.

À ces mesures s’ajoute le travail quotidien d’associations partenaires telles que SOS Amitié, Nightline, Fil Santé Jeunes, l’Union nationale de prévention du suicide ou encore la plateforme Espoir. Ces structures apportent un soutien direct, confidentiel et gratuit aux personnes en souffrance ainsi qu’à leurs proches. Elles jouent un rôle essentiel de relais, d’écoute et de prévention sur le terrain, notamment dans les zones rurales ou auprès des publics les plus fragiles.

La stratégie nationale accorde une attention particulière aux publics les plus exposés. Du côté des jeunes, plusieurs initiatives se déploient : généralisation de la prise en charge des mineurs par les centres VigilanS, expérimentation du programme de recherche Elios – une équipe en ligne d’intervention et d’orientation qui mobilise des web-cliniciens formés à la prévention du suicide directement sur les réseaux sociaux –, et intégration progressive d’un service de tchat au 3114 pour rendre l’aide plus accessible aux adolescents et jeunes adultes, habitués aux échanges numériques.

Pour les personnes âgées, l’Agence régionale de santé d’Occitanie expérimente une adaptation du protocole VigilanS à ce public spécifique. L’envoi de cartes postales personnalisées ou l’inclusion préventive avant une tentative de suicide sont autant d’innovations destinées à maintenir le lien, rompre l’isolement et détecter plus tôt les signaux d’alerte. Cette mobilisation continue s’appuie sur un principe fondamental : informer, repérer plus tôt, maintenir le lien et renforcer l’accompagnement. Elle associe services publics, professionnels de santé, associations et citoyens autour d’un objectif commun : sauver des vies et prévenir les drames évitables. Le suicide n’est pas une fatalité ; il peut être prévenu lorsque la société se dote des moyens et du courage d’agir.