Bonneuil-sur-Marne : la ferme du Rancy s’apprête à renaître

Au cœur de Bonneuil-sur-Marne, la ferme du Rancy s’apprête à connaître un nouveau chapitre de son histoire, un chapitre qui mêle patrimoine rural et création artistique. Grand Paris Sud Est Avenir, en collaboration étroite avec la Ville, s’engage dans une vaste opération de réhabilitation qui transformera ce bâtiment emblématique en un conservatoire moderne dédié à la musique, à l’art dramatique et aux arts plastiques. Une renaissance qui se prépare discrètement mais sûrement, tandis que sur la place Henri-Barbusse, à deux pas du chantier, une exposition retrace l’épopée singulière de ce domaine apparu bien avant l’urbanisation galopante du XXe siècle.
Cette exposition en plein air, visible librement jusqu’à la fin de l’année, constitue un véritable voyage dans le temps. Entre cartes postales d’un autre âge, archives départementales, plans anciens et photographies actuelles, les visiteurs peuvent suivre pas à pas les métamorphoses de la ferme, depuis sa vocation agricole jusqu’à son statut de témoin rare de la ruralité francilienne. Les panneaux offrent une lecture vivante de ce que fut le domaine : un ensemble agricole structuré autour d’un porche monumental, de bâtiments d’exploitation, d’auges maçonnées et d’un fournil dont le four et le pan de bois, miraculeusement préservés, racontent encore la vie laborieuse des siècles passés. Un dernier panneau, tourné vers l’avenir, esquisse la silhouette du futur conservatoire qui prendra place entre ces murs chargés d’histoire.
Depuis 2016, le conservatoire de Bonneuil-sur-Marne fait partie du réseau des dix établissements d’enseignement artistique gérés par Grand Paris Sud Est Avenir. Installé aujourd’hui dans des locaux devenus trop étroits et qui ne répondent plus aux besoins pédagogiques, il accueille près de trois cents élèves venus pratiquer musique et théâtre. Les ambitions éducatives du territoire, portées par les équipes enseignantes, nécessitaient un lieu à la hauteur de cette dynamique. La ferme du Rancy, bien que contrainte par l’âge et la fragilité de certaines structures, s’est imposée comme une évidence. Encore faut-il réussir le pari délicat de concilier préservation patrimoniale et adaptation aux usages contemporains.
Le projet architectural relève ainsi d’un véritable travail d’orfèvre. Il prévoit l’aménagement de salles isolées acoustiquement, de studios adaptés aux pratiques musicales, d’espaces consacrés à l’art dramatique et de zones dédiées aux ateliers collectifs. Chaque pôle occupera une aile ou une section distincte du bâtiment, afin d’offrir une circulation fluide et intuitive pour les élèves, les professeurs et les familles. Les volumes seront reconfigurés avec prudence, car la ferme est inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1993, au même titre que le château voisin. Cette protection impose de conserver les éléments architecturaux les plus remarquables : les charpentes massives en chêne, les planchers à la française aux poutres apparentes, les menuiseries anciennes du porche, les sols aux matériaux variés et patinés par les décennies.
Sous les enduits, derrière les portes anciennes, la mémoire de Bonneuil resurgit. La ferme du Rancy demeure l’un des derniers témoins de l’Île-de-France agricole, surgissant dans une banlieue où les grands domaines ont peu à peu disparu, absorbés par l’expansion urbaine. Sa réhabilitation est plus qu’un projet culturel : c’est un acte de sauvegarde, un geste destiné à inscrire l’héritage rural dans la vie quotidienne des habitants. Le futur conservatoire offrira ainsi un double récit, celui de la transmission artistique et celui d’un territoire qui revendique sa profondeur historique.