Le bouclier tarifaire lancé en octobre 2021 et qui devait s’arrêter à la fin 2022 sera maintenu en 2023, a annoncé le ministre chargé des Comptes publics Gabriel Attal. Un soulagement pour les Français qui échapperont à une hausse des tarifs du gaz et de l’électricité d’au moins 100 % l’année prochaine, soit 120 euros par mois et par ménage. Montant final de leur facture ? On n’en sait encore trop rien, car les paramètres évoluent et les arbitrages se poursuivent. Mais selon le gouvernement, la France devrait limiter l’augmentation à 20 %, peut-être même à 10 %, mieux que son voisin allemand qui en est à 40 %.
L’Allemagne, parlons-en. Pour contrer les effets de l’inflation (7,9 % sur un an et 10 % prévus à la fin de l’année), le chancelier social-démocrate Olaf Scholz a annoncé ce 4 septembre 65 milliards d’euros d’aides. Parmi les mesures phare, un chèque énergie de 300 euros pour les retraités et de 200 euros pour les étudiants, le paiement des frais de chauffage pour les allocataires de l’aide au logement et un nouveau coup de pouce de 1,5 milliard d’euros sur les transports publics. Jusqu’à fin août, les Allemands bénéficiaient d’un abonnement à 9 euros par mois sur le réseau de bus et de trains (hors lignes grande vitesse). Et aux premières heures de ce 5 septembre, les automobilistes étaient encore nombreux à traverser la frontière pour faire leur plein au tarif français plus avantageux.
L’électricité, elle, a bondi cette dernière semaine à plus de 1 000 euros le mégawatt/heure (MWh) contre 85 euros le MWh il y a un an, un prix multiplié par douze. En cause, une production française au ras de pâquerettes – avec 32 réacteurs nucléaires d’EDF sur 56 à l’arrêt pour maintenance ou corrosion liée à la sécheresse. Même le gaz a atteint des tarifs records, à 345 euros le MWh. Le gaz servant à produire de l’électricité, on craint forcément le pire. Enjeu rappelé par Gabriel Attal, « ne pas laisser dérailler la facture des Français et nos finances publiques », comprenez éviter que les prix des marchés de gros de l’énergie finissent par exploser sur les petites factures des ménages… tout en limitant la casse des comptes publics. Pour la seule année 2022, le maintien à un niveau bas des tarifs de l’électricité (+4 % au lieu de 40 % !) et du gaz (gel depuis l’automne dernier) a coûté 16,5 milliards à l’État qui avertit par la voix du ministre de l’Économie Bruno Le Maire : il y aura une hausse des prix dès le début 2023, mais elle sera contenue : « contenue et raisonnable. »
Cette flambée des tarifs de l’énergie trouve bien entendu sa source dans la guerre en Ukraine, mais pas seulement. L’incapacité de l’Union européenne à juguler ces hausses est désormais pointée du doigt. Que la Russie coupe les robinets ne justifie pas les lacunes du marché interconnecté de l’énergie entre les 27 États membres. D’ailleurs, l’arrêt vendredi dernier du gazoduc Nord Stream qui relie la Russie au nord de l’Allemagne n’empêche pas Gazprom de livrer l’Europe via l’Ukraine. Le chancelier allemand dont le pays est largement dépendant du gaz pour produire son électricité critique le manque de coordination de l’UE et les « actions isolées » de certains États. Même discours de la présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen : un système qui conduit à de tels prix n’est pas fonctionnel. Les ministres de l’Énergie se rencontreront le 9 septembre prochain à Prague pour une « intervention d’urgence ». L’idée de taxer les entreprises énergétiques fait son chemin.
Depuis son déploiement en 2021, le bouclier tarifaire a coûté quelque 24 milliards d’euros à la France et a permis de réduire considérablement les effets de l’inflation – la plus faible de la zone euro – autant pour les particuliers que les entreprises : évaluée à 5,3 % au deuxième trimestre 2022, elle aurait pu atteindre 8,4 % sans cette aide de l’État, selon l’Insee. Il faut désormais s’atteler à protéger les plus fragiles, « passer de mécanismes généraux à des mécanismes plus ciblés », a indiqué la première ministre Élisabeth Borne. Un petit plus, à l’image du chèque énergie de 100 euros envoyé l’an dernier à 6 millions de ménages, mais aussi de l’indemnité carburant de 100 à 300 euros pour les travailleurs modestes (la réduction du prix de l’essence à la pompe est incluse dans le bouclier tarifaire).
En attendant, on fait comme on peut. Tendance en vue, les foyers sont de plus en plus nombreux à s’équiper en poêles ou chaudières à granulés… sans être sûrs de pouvoir s’approvisionner ! Ce 4 septembre, dans une interview à France Info, Frédéric Plan, délégué général de France Combustibles a prévenu de l’augmentation du prix du bois à court terme : la faute à une demande qui sature en France mais aussi en Europe, à la hausse du coût de la sciure et… « parce que pour faire sécher les granulés, il faut du gaz » ! Des perspectives catastrophiques ? Tout dépend aussi de ce qui se passera d’ici l’hiver. Sera-t-il rigoureux ? Les centrales nucléaires seront-elles toutes ouvertes comme s’y est engagée EDF ? Les livraisons de gaz auront-elles repris ? Et la guerre en Ukraine ? Signe de toutes ces incertitudes, ce matin du 5 septembre, l’euro est descendu à moins de 0,99 dollar. Un plancher qu’on n’avait pas vu depuis vingt ans.