Face à la hausse préoccupante de la vacance commerciale sur le boulevard Saint-Michel, au cœur du 5e arrondissement de Paris, la Ville de Paris a décidé de se mobiliser de manière résolue pour défendre et préserver un tissu commerçant de proximité, garant d’une ville vivante, solidaire et accessible à toutes et tous. Cet axe emblématique, qui a longtemps été l’un des poumons commerciaux et culturels de la rive gauche, voit depuis plusieurs années se multiplier les vitrines closes et les devantures délaissées, symbole d’une crise plus large qui frappe nombre de quartiers parisiens.
Une étude récente, menée par l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) à la demande de la municipalité, confirme ce constat préoccupant. Depuis 2017, la vacance commerciale n’a cessé de progresser sur le boulevard Saint-Michel, révélant les effets conjugués de mutations profondes qui bouleversent le paysage urbain et économique. La spéculation foncière, qui entraîne une envolée des loyers, pèse lourdement sur les petits commerçants et rend particulièrement difficile l’installation de nouvelles enseignes indépendantes. Parallèlement, les librairies, qui faisaient autrefois la réputation intellectuelle du Quartier latin, peinent à faire face à la concurrence féroce des géants du commerce en ligne. Le recul de la fréquentation étudiante, dans un secteur pourtant historiquement lié à la vie universitaire, accentue encore ces difficultés, tout comme le remplacement progressif des commerces traditionnels par des enseignes de fast fashion, aux modèles économiques et sociaux contestés.
Consciente de ces enjeux et soucieuse d’y répondre avec méthode et efficacité, la Ville de Paris entend mettre en œuvre un plan d’action articulé autour de plusieurs leviers. Elle a d’abord souhaité engager un dialogue renforcé avec les propriétaires des locaux vacants, en collaboration avec Paris Commerces, la société publique locale chargée de la redynamisation commerciale des quartiers parisiens. Des courriers ont été adressés à ces propriétaires afin de les inciter à coopérer et à étudier, aux côtés de la Ville, toutes les possibilités de réactivation des emplacements actuellement inoccupés. L’objectif est d’élaborer ensemble une charte d’occupation commerciale adaptée aux besoins et aux spécificités locales, permettant de favoriser l’installation de nouveaux commerces de proximité et d’acteurs économiques identifiés et accompagnés par la municipalité.
Dans le même temps, la Ville a décidé d’activer un outil fiscal pour faire levier sur la situation : la taxe sur les friches commerciales. Celle-ci vise à inciter financièrement les propriétaires à remettre sur le marché leurs locaux inoccupés. Le dispositif prévoit une taxation progressive des biens restés vacants sur de longues périodes, afin de lutter contre la rétention spéculative des biens commerciaux et de favoriser leur réutilisation.
Au-delà des actions menées à l’échelle locale, la Ville de Paris appelle à une mobilisation nationale pour agir sur les causes structurelles de cette vacance commerciale. Nicolas Bonnet-Oulaldj, adjoint à la Maire de Paris chargé du commerce, a ainsi saisi la ministre déléguée au Commerce pour demander l’expérimentation d’un encadrement des loyers commerciaux dans les zones dites en tension, à l’image de ce qui existe déjà pour le logement. Cette mesure permettrait de mieux réguler les loyers commerciaux et de freiner leur envolée, facteur déterminant dans la disparition progressive des commerces indépendants.
Par ailleurs, la Ville propose la création d’une taxe locale sur les livraisons de colis, dont les recettes pourraient être réinvesties dans la revitalisation des centres-villes et la protection des commerces de proximité. La municipalité soutient également l’encadrement renforcé de la fast fashion, sujet actuellement en débat au Sénat, afin de limiter la concurrence déloyale exercée par ces enseignes et plateformes en ligne sur les petits commerces. Dans cette même logique, elle demande la mise en place d’une contribution obligatoire des plateformes de livraison, proportionnelle à leur activité, accompagnée d’un meilleur encadrement de leur occupation de l’espace public.
Pour Nicolas Bonnet-Oulaldj, la situation du boulevard Saint-Michel est emblématique des tensions qui traversent aujourd’hui de nombreux quartiers de Paris et bien au-delà. Pris en étau entre des loyers inaccessibles, une spéculation foncière croissante, la prolifération des plateformes de livraison et l’expansion de la fast fashion, le commerce de proximité subit une pression considérable. Face à cette réalité, la responsabilité de la Ville est d’agir sans attendre. C’est pourquoi tous les leviers disponibles sont activés : fiscalité sur les friches commerciales, dialogue renforcé avec les propriétaires, expérimentation d’un encadrement des loyers commerciaux et soutien actif aux porteurs de projets à travers Paris Commerces. Mais, prévient l’adjoint au commerce, ces actions locales ne suffiront pas si l’État ne prend pas lui aussi ses responsabilités. Il est indispensable de taxer les grandes plateformes d’e-commerce et de livraison qui prospèrent dans les villes sans contribuer à leur vitalité, de réguler la fast fashion en ligne et de donner aux collectivités les moyens d’agir sur les loyers commerciaux.
Boulevard Saint-Michel : redonner vie aux vitrines

Par Renaud Morelli
Publié le 23 juin 2025 à 13h16 – Temps de lecture : 5 minutes