En septembre 2022 a débuté au château de Versailles une importante campagne de restauration du tableau de Jean Nocret, La Famille royale dans l’Olympe. Cette œuvre aux […]
En septembre 2022 a débuté au château de Versailles une importante campagne de restauration du tableau de Jean Nocret, La Famille royale dans l’Olympe. Cette œuvre aux dimensions imposantes – environ 12 m2 – est le plus grand portrait français du XVIIe siècle qui subsiste. Le public retrouvera cette toile au terme de la restauration de l’antichambre de l’Œil-de-bœuf au printemps 2024.
Un tableau mythique
La Famille royale dans l’Olympe a été peint en 1670 par Jean Nocret et présente une iconographie qui nous semble aujourd’hui très versaillaise : le Roi-Soleil, couronné de lauriers, apparaît au centre de la composition sous les traits du dieu Apollon, entouré de son épouse la reine Marie-Thérèse en Junon, de son fils le Grand Dauphin en Amour ou encore de sa cousine, la Grande Mademoiselle, en Diane.
Mais il aurait été impossible de trouver ce tableau au Château de Versailles au XVIIe siècle : l’œuvre, en effet, a été commandée et livrée pour le château de Saint-Cloud, propriété du frère du roi, Philippe d’Orléans, dit Monsieur. Il y est représenté en Point du jour, comme pour annoncer le lever du Soleil. Le tableau est à l’image de la demeure qui l’abrite : un site enchanteur, au goût de Monsieur, qui n’avait pas de fonction gouvernementale ; son style décoratif était plus léger, plus gracieux et moins martial que les résidences royales officielles. Détruit en 1870, le château de Saint-Cloud avait été redécoré à partir de 1660. En plus de ce grand portrait, Jean Nocret y avait peint plusieurs plafonds aux côtés de Pierre Mignard.
Ce tableau correspond davantage à l’atmosphère délicate qui régnait à Saint-Cloud qu’à celle plus imposante de Versailles où les cimaises étaient plutôt dévolues au goût du roi pour la grande peinture française ou italienne. Le tableau de Nocret vient d’ailleurs remplacer dans l’antichambre de l’Œil-de-bœuf une œuvre Véronèse, Esther et Assuérus, aujourd’hui conservée au Louvre.
En effet, en 1814, avant les Cent-Jours, Louis XVIII envisage le retour de la Cour à Versailles. Il demande que des travaux de remise en état soient menés au Château. Le tableau de Jean Nocret, mentionné à Saint-Cloud jusqu’en 1792, est alors encastré dans les boiseries de l’antichambre de l’Œil-de-bœuf. Le retour de Napoléon Ier annule le projet de Louis XVIII, mais le tableau reste en place. Il sera maintenu par Louis-Philippe lors des travaux de création du musée dédié « à toutes les gloires de la France ».
L’iconographie attrayante et spectaculaire a sans doute contribué à la décision de Louis-Philippe. On distingue sur le tableau Louis XIV assis en majesté et représenté en Apollon, entouré des membres les plus proches de sa famille, également en divinités. Il s’agit d’un portrait historié : les modèles y sont représentés sous les traits de personnages mythologiques, permettant ainsi au commanditaire de mêler le plaisir du portrait et celui de la peinture d’histoire. Cette œuvre emblématique attire aujourd’hui les visiteurs : très photographiée, elle est aussi régulièrement reproduite.
Jean Nocret, peintre attitré de monsieur frère du roi
Jean Nocret (1615-1672) est le peintre attitré de Philippe d’Orléans depuis au moins 1652. Il travaille parfois pour Louis XIV, pour des décors aux Tuileries et pour peindre des portraits. Mais son employeur principal semble bien être Monsieur, qu’il représente fréquemment, tout comme sa famille : plusieurs de ces tableaux sont aujourd’hui conservés à Versailles. Il décore surtout le château de Saint-Cloud où il peint cinq pièces de l’appartement de Madame, épouse du duc d’Orléans. Dans la biographie de Jean Nocret lue après sa mort à l’Académie royale de peinture et de sculpture, La Famille royale dans l’Olympe est considéré comme le chef-d’œuvre de l’artiste en raison de sa taille et du nombre de personnages représentés, et a donc frappé les contemporains.
Une restauration nécessaire
Vieux de 350 ans, et déposé pour la dernière fois entre 1984 et 1986, le tableau de Jean Nocret nécessitait une restauration fondamentale afin d’améliorer à la fois son état de conservation et sa lisibilité par le public.
Confiée à un groupe de neuf restaurateurs, cette opération doit durer environ 14 mois. Un dossier d’imagerie scientifique, élaboré par le Centre de recherche et de restauration des musées de France, comprenant notamment des clichés infrarouges et ultraviolets a révélé la présence de plusieurs repentirs, ainsi que l’utilisation de lapis-lazuli, un pigment très précieux, pour le ciel et certains costumes de couleur bleue.
La restauration a commencé avec la dissolution des anciens vernis, devenus opaques et jaunis, ainsi que par le retrait des repeints. Elle doit se poursuivre avec le traitement du support toile et du châssis, avant la réintégration des lacunes et des usures.
Les six autres tableaux de l’antichambre de l’Œil-de-bœuf, deux grands portraits équestres, quatre dessus-de-porte, sont également concernés par des opérations de restauration destinées à améliorer leur conservation à moyen et long terme.
Une première étape de la restauration de l’antichambre de l’œil-de-bœuf
La restauration du tableau de Jean Nocret s’inscrit dans un chantier plus global qui concernera l’ensemble de l’antichambre de l’Œil-de-bœuf qui l’abrite. Cette restauration d’ampleur débutera en décembre 2022 et se terminera en avril 2024.
L’antichambre – ou le salon – de l’Œil-de-bœuf est l’une des pièces les plus emblématiques et prestigieuses de la résidence royale. En 1701, lorsque Louis XIV fait bâtir sa chambre d’apparat dans l’axe de la course du soleil, il ordonne que soient rejointes deux pièces contiguës au sud de cette nouvelle chambre. L’ancien salon dit « des Bassans » (du nom des toiles de Jacopo Bassano qui la décoraient) et l’ancienne chambre du roi deviennent alors l’antichambre de l’Œil-de-bœuf. Conçue par Jules Hardouin-Mansart et Robert de Cotte, ce salon présente un décor d’une grande préciosité qui témoigne de la transition entre le style fastueux de la première partie du règne du Roi-Soleil et un goût qui annonce déjà l’art rocaille. Cette antichambre était au centre de la mécanique de Cour sous l’Ancien Régime : c’était ici qu’attendaient les courtisans privilégiés qui assistaient au Grand Lever et au Grand Coucher du Roi.
Le décor du salon a été relativement épargné depuis le XVIIIe siècle et une seule restauration d’envergure a été menée en 1983. L’état général actuel du salon nécessite aujourd’hui une restauration complète de ses éléments architecturaux et de son décor. Ces travaux s’inscrivent, par ailleurs, dans le programme de mise en sécurité et sûreté du Château initié en 2003.