Combat contre la soumission chimique

Par Assia Bedja
Publié le 14 mai 2025 à 08h31 – Temps de lecture : 4 minutes

Le 12 mai 2025, Mme Aurore Bergé, ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, ainsi que M. Yannick Neuder, ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins, ont reçu un rapport crucial sur la soumission chimique. Cette mission, confiée à Mme Sandrine Josso, députée de Loire-Atlantique, et Mme Véronique Guillotin, sénatrice de Meurthe-et-Moselle, a été lancée en avril 2024 afin de mieux comprendre et combattre ce phénomène encore trop méconnu, mais profondément inquiétant.

La soumission chimique désigne l’utilisation de substances pour supprimer la volonté d’une personne à son insu, facilitant ainsi des violences sexuelles graves. Ce rapport fait écho au procès dit de « Mazan », qui a mis en lumière l’ampleur de ce crime odieux. Il rappelle que droguer quelqu’un pour commettre une agression ou un viol ne relève pas d’une simple mésaventure, mais d’un acte délibéré et criminel. En 2022, le Centre de référence des agressions facilitées par les substances a analysé plus de 1 200 cas de soumission chimique, chiffres qui témoignent de l’ampleur du fléau. Le rapport salue le courage des victimes, souvent fragilisées, qui osent enfin briser le silence, et il souligne l’importance pour la société de répondre à cette urgence.

Les recommandations avancées sont ambitieuses et couvrent de nombreux domaines. L’éducation joue un rôle clé, avec une volonté affirmée d’intégrer dès l’école des enseignements sur la vie affective, relationnelle et sexuelle, axés sur l’égalité, le respect et la notion de consentement. Une campagne nationale de sensibilisation sera lancée avant la fin de 2025 afin de déconstruire les préjugés et d’informer largement le public. Le rapport insiste aussi sur la nécessité de former plus efficacement les jeunes adultes, les professionnels de santé, les magistrats, les forces de l’ordre, ainsi que les acteurs du monde sportif, afin que tous puissent reconnaître et réagir face à ces violences spécifiques.

Sur le plan juridique, des avancées ont déjà été obtenues, notamment avec l’intégration claire du consentement dans la définition du viol. Une loi-cadre sur les violences sexistes et intrafamiliales est également en préparation. Cependant, le rapport recommande d’aller plus loin, notamment en levant le secret médical dans certains cas, en améliorant les explications fournies aux victimes lorsque les plaintes sont classées sans suite, et en renforçant la régulation de l’industrie pornographique, particulièrement en ce qui concerne l’accès des mineurs à des contenus pouvant alimenter des stéréotypes dangereux.

Les ministres et les parlementaires impliqués ont souligné l’urgence d’une mobilisation collective. Mme Aurore Bergé a déclaré que la soumission chimique est une réalité effrayante qu’il faut regarder en face, sans détour ni clichés. Elle a insisté sur la nécessité de combattre les idées reçues sur les profils des agresseurs ou des victimes et de ne laisser aucune place à l’impunité. Pour sa part, M. Yannick Neuder a souligné que ce rapport appelle une réponse claire et coordonnée entre tous les acteurs concernés, afin de mieux prévenir, protéger et sanctionner. Il a également insisté sur la nécessité de sortir la soumission chimique de cette « zone grise » du droit et de la santé publique.

Mme Sandrine Josso a rappelé que l’urgence médicale est une course contre la montre. Il est vital que les prélèvements de sang et d’urine soient réalisés dans les heures qui suivent les faits pour garantir une preuve efficace, et que, lorsque cela n’est plus possible, les prélèvements de cheveux soient systématiquement autorisés. Elle a insisté sur l’importance d’un accès équitable à la justice pour toutes les victimes. Quant à Mme Véronique Guillotin, elle a partagé son expérience de médecin et souligné la nécessité de sensibiliser tous les professionnels afin d’éviter les errances médicales et judiciaires qui prolongent la souffrance des victimes. Elle a appelé à poursuivre l’effort engagé par les premières victimes qui ont osé témoigner, pour faire de la lutte contre la soumission chimique une priorité nationale.