Détenus contre gardiens… Échauffourées ? Bagarre ? Insultes ? Non : karting ! La diffusion d’une vidéo de cette course de petits bolides dans la prison de Fresnes a choqué. L’événement a eu lieu le 27 juillet dernier, mais ses images n’ont été diffusées que le 19 août. On y voit dans la cour du centre pénitentiaire une promenade à moteur d’un nouveau genre ou détenus et surveillants casqués s’affrontent sur des chicanes improvisées. Nom de l’épreuve : KohLantess. Inspirée du jeu télévisé Koh Lanta, elle a été mise en place par le sportif Djibril Dramé originaire de la ville de Fresnes, pour les jeunes des cités et au profit d’associations. Les épreuves sont multiples : tir à la corde, questionnaire, mime et… karting.

L’intention est louable puisqu’elle veut resserrer les liens entre des populations habituellement éloignées entre elles, voire en rupture de dialogue. Une édition a d’ailleurs récemment eu lieu entre policiers et jeunes de la ville val-de-marnaise. Intention louable mais qu’ont fustigée des personnalités de droite et d’extrême droite notamment, au motif que les détenus n’ont pas à s’amuser de la sorte… Le député Les Républicains Éric Ciotti dénonce un manque flagrant de respect pour les victimes et leurs familles où la sanction est confondue avec l’amusement. La vice-présidente RN de l’Assemblée nationale Hélène Laporte note que la prison de Fresnes organise des activités estivales pour les détenus avec l’argent des contribuables, alors qu’un enfant sur trois [est privé de vacances faute] de moyens financiers. La prison n’est pas « un centre de vacances », a dénoncé pour sa part le Syndicat pénitentiaire des Surveillants (SPS). Choquant pour les familles des victimes « qui voient leurs bourreaux faire du kart », a commenté l’influenceur Damien Rieu, rallié à Éric Zemmour.

Dès le lendemain 20 août, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a réagi sur Twitter : « La lutte contre la récidive passe par la réinsertion, certainement pas par le karting ! », ordonnant immédiatement l’ouverture d’une enquête administrative pour « que toute la lumière soit faite » sur cet événement. Il semblerait néanmoins que tout a précisément été fait dans les règles puisque Djibril Dramé a obtenu l’autorisation de transposer son KohLantess derrière les murs de la prison : aval de la Direction de l’administration pénitentiaire, signature d’une convention et donc approbation par le ministère de tutelle – le cabinet du ministre, à cette nuance près que le détail de cette course de karts n’aurait pas été précisé. Jimmy Delliste le directeur de la prison de Fresnes se félicitait même sur Twitter de ce « moment d’engagement fraternel » qui soutient des associations.

Quid du sport comme vecteur de lien et d’apaisement des esprits ? Ce 21 août, Emmanuel Baudin, secrétaire général du syndicat national pénitentiaire FO, a demandé sur Franceinfo « que le directeur de Fresnes soit remplacé et qu’on remette de l’ordre dans cet établissement (…) Depuis qu’il a pris ses fonctions, on voit Fresnes décliner au niveau de la gestion à l’intérieur. (…) On ne voit pas ça à Fleury (…) On est dans le buzz et l’extrême. » Le créateur de KohLantess a voulu tempérer : « Nous avons aussi un devoir de ne pas mettre [les détenus] de côté et de ne surtout pas oublier qu’ils sont des [êtres] humains. » Cette compétition remportée par les surveillants a permis de récolter 1 700 euros au profit de l’association Arc-en-ciel, qui aide des enfants malades.

Du karting à la prison de Fresnes