Le massif forestier de Marly s’apprête à franchir une étape déterminante dans son histoire. Le 22 mai dernier, à l’occasion d’une réunion officielle présidée par le secrétaire général de la préfecture, Victor Devouge, représentant le préfet des Yvelines, l’État a enclenché la procédure de classement du massif en « forêt de protection ». Ce statut, l’un des plus stricts du droit forestier français, offre une garantie juridique forte contre toute altération de la vocation forestière d’un site, et permet de sanctuariser durablement des espaces naturels face à des logiques d’artificialisation croissantes.
Situé à la lisière ouest de la région parisienne, le massif de Marly s’étend sur près de 2 500 hectares, mêlant la forêt domaniale du même nom et le Domaine national de Marly, ancien lieu de villégiature des rois de France. Ce vaste ensemble forestier joue un rôle écologique, paysager et social fondamental dans un secteur densément peuplé, où la présence d’espaces naturels est essentielle pour le bien-être des habitants. Traversé par l’autoroute A13 et entouré d’un tissu urbain en expansion – avec des pressions particulièrement marquées au nord, à l’est et au sud –, le massif fait face à des enjeux cruciaux de fragmentation, de pollution, de surfréquentation et de spéculations foncières. Le classement en forêt de protection apparaît ainsi comme une réponse forte et structurante aux menaces qui pèsent sur son avenir.
Conformément aux dispositions du Code forestier, ce classement interdirait tout changement d’affectation des sols et toute intervention susceptible de compromettre la fonction forestière du site. Il offrirait également un cadre réglementaire rigoureux pour la gestion du massif, en assurant que toutes les décisions futures s’inscrivent dans une logique de préservation environnementale. L’initiative s’accompagne d’une démarche de concertation approfondie. Lors de la réunion de lancement, un comité consultatif a été officiellement installé. Il réunit les collectivités territoriales concernées, les services de l’État, les représentants des propriétaires forestiers, les associations de protection de la nature, ainsi que des experts en gestion forestière. Cette instance est appelée à jouer un rôle central dans l’élaboration du projet, en veillant à intégrer les attentes multiples qui s’expriment autour de ce massif : protection de la biodiversité, valorisation du patrimoine historique, accès du public, régulation des usages, etc.
L’engagement de l’État pour la protection des forêts dans les Yvelines ne date pas d’hier. Le massif de Marly viendrait s’ajouter à trois autres ensembles boisés ayant déjà obtenu le statut de forêt de protection dans le département : la forêt de Fausses-Reposes (classée en 2007), celle de Rambouillet (2009) et celle de Saint-Germain (2019). Au total, plus de 30 000 hectares seraient ainsi couverts par ce dispositif une fois le classement du massif de Marly entériné, soit une part significative des 80 000 hectares de surface boisée que compte le département. Ce taux de boisement, qui représente environ 30 % du territoire yvelinois, est l’un des plus élevés de toute l’Île-de-France. Il témoigne d’un héritage naturel précieux, à la fois fragilisé par l’urbanisation rapide et devenu vital dans un contexte de changement climatique.
En intégrant le massif de Marly dans cette dynamique de protection renforcée, l’État poursuit plusieurs objectifs convergents. Il s’agit bien sûr de lutter contre l’artificialisation des sols, en conformité avec les objectifs du plan de sobriété foncière adopté au niveau national, mais aussi de maintenir des corridors écologiques, de garantir la qualité des paysages, de protéger les sols et les ressources en eau, et de préserver les habitats d’une faune et d’une flore parfois menacées. Dans une région où l’équilibre entre ville et nature est souvent précaire, ces forêts jouent également un rôle essentiel comme lieux de respiration, d’éducation à l’environnement et de loisirs pour les habitants. Loin d’être de simples espaces boisés, elles sont devenues des équipements collectifs à part entière, indispensables à la qualité de vie et à la santé publique.
La procédure, qui se prolongera sur plusieurs mois, voire plusieurs années, prévoit différentes phases de consultation. Une première étape locale permettra de définir avec précision le périmètre à protéger, en tenant compte des spécificités cadastrales, des usages existants et des contraintes patrimoniales. Elle sera suivie d’une enquête publique plus large, destinée à recueillir les avis de l’ensemble des citoyens et des parties prenantes, selon un processus démocratique transparent. À l’issue de ces consultations, un décret ministériel pourrait officialiser le classement, donnant ainsi à la forêt de Marly un statut comparable à celui de grands massifs déjà protégés en France.
Ce projet s’inscrit dans une vision plus large de la gestion durable des territoires périurbains. Alors que la métropole parisienne poursuit son expansion, la nécessité de conserver des zones naturelles accessibles, fonctionnelles et résilientes devient de plus en plus pressante. La forêt de Marly, héritière d’un passé royal et témoin silencieux de l’histoire francilienne, est aujourd’hui appelée à devenir un symbole de l’équilibre possible entre développement urbain et respect de l’environnement. En engageant cette procédure de classement, l’État ne se contente pas de protéger un espace forestier parmi d’autres : il envoie un signal clair, celui d’un engagement renouvelé pour un aménagement du territoire à la fois plus sobre, plus respectueux et plus tourné vers l’avenir.
Forêt de Marly : un sanctuaire vert

Par Marie Aschehoug-Clauteaux
Publié le 4 juin 2025 à 09h45 – Temps de lecture : 5 minutes