À l’initiative de Stéphane Troussel, président du Département de la Seine-Saint-Denis, un large collectif d’élus locaux, de présidents et de directeurs de missions locales a adressé une lettre ouverte à Monsieur Jean-Pierre Farandou, ministre du Travail et des Solidarités, pour attirer son attention sur la situation critique des missions locales du département, confrontées à des réductions budgétaires drastiques annoncées par le Projet de loi de finances pour 2026 et par la Région Île-de-France. Ce courrier met en lumière les conséquences sociales et territoriales de ces décisions, et souligne les risques importants qu’elles font peser sur l’accompagnement des jeunes dans l’accès à l’emploi, à la formation et à l’autonomie. Les missions locales constituent depuis plusieurs décennies un maillon essentiel du dispositif d’insertion des jeunes, particulièrement dans un département jeune, dense et marqué par des difficultés socio-économiques comme la Seine-Saint-Denis.
Le Projet de loi de finances pour 2026 prévoit une baisse de 13 % du budget consacré aux missions locales, s’ajoutant à une diminution de 6,8 % déjà enregistrée en 2025. Ces réductions successives frappent directement le fonctionnement des missions locales, qui doivent financer leurs équipes, leurs formations, leurs outils et leurs dispositifs d’accompagnement pour assurer un soutien adapté aux jeunes. Pour de nombreux jeunes de 16 à 25 ans, ces structures représentent la principale porte d’entrée vers l’emploi et l’autonomie, en particulier pour ceux confrontés à des situations de vulnérabilité, des parcours scolaires compliqués, ou des difficultés d’insertion sociale et professionnelle. Une réduction significative des budgets alloués menace non seulement la qualité des accompagnements proposés, mais aussi la capacité même des missions locales à remplir leurs missions sur le territoire.
La baisse annoncée du nombre de bénéficiaires du Contrat d’engagement Jeunes (CEJ) de 5 % en 2026 constitue également un signal préoccupant pour les jeunes qui dépendent de ce dispositif pour accéder à l’emploi et à la formation. Le CEJ est une mesure phare pour soutenir l’insertion professionnelle des jeunes, offrant un accompagnement individualisé, un suivi pédagogique, un soutien financier et un accompagnement vers la formation et l’emploi. Restreindre l’accès à ce dispositif en réduit l’efficacité et compromet les parcours des jeunes, en particulier ceux issus de milieux fragiles ou en rupture avec le système scolaire.
Cette diminution des moyens intervient également dans un contexte législatif plus complexe. La loi pour le Plein Emploi a introduit de nouvelles conditions d’accès au CEJ et au Parcours contractualisé d’Accompagnement vers l’Emploi et l’Autonomie (Pacea), désormais subordonnées à l’inscription à France Travail, elle-même conditionnée à la détention d’un titre de séjour autorisant à travailler. Cette réforme a des conséquences directes pour de nombreux jeunes ressortissants de pays tiers, y compris des dizaines de jeunes de l’Aide sociale à l’enfance, qui se retrouvent exclus des dispositifs essentiels d’accompagnement, malgré leur engagement et leur volonté de s’insérer professionnellement. Ces nouvelles conditions viennent ainsi fragiliser les parcours déjà précaires de jeunes confrontés à des difficultés multiples, et remettent en question les efforts d’inclusion et d’accompagnement menés localement par les missions locales et les collectivités territoriales.
La situation des missions locales de Seine-Saint-Denis est particulièrement critique. Vingt et un postes ont été supprimés en 2025 dans les onze missions locales du département et trente suppressions supplémentaires sont envisagées en 2026, ce qui représente une réduction globale de 14 % des effectifs en deux ans. Cette diminution considérable des moyens humains a des répercussions directes sur la qualité et la capacité de l’accompagnement proposé aux jeunes, en particulier pour ceux les plus éloignés de l’emploi, confrontés à des difficultés sociales, familiales ou éducatives. Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, jeune et marqué par des inégalités socio-économiques, cette réduction des ressources risque de compromettre l’équité d’accès aux dispositifs d’insertion et d’aggraver les inégalités territoriales déjà existantes.
Parallèlement aux décisions nationales, la Région Île-de-France a réduit de 40 % les crédits qu’elle consacre aux missions locales franciliennes en 2025, ce qui entraîne une double peine pour ces structures. Cette réduction intervient alors même que la Région a modifié fin 2022 les modalités de conventionnement, en faisant reposer 90 % du financement des missions locales sur le nombre d’orientations de jeunes vers les dispositifs régionaux. Cette modification accroît la précarité financière des missions locales et limite leur capacité à planifier et à proposer un accompagnement stable et de qualité aux jeunes.
Dans ce contexte, le Département de la Seine-Saint-Denis a fait preuve d’un engagement fort et soutenu. Le soutien financier aux missions locales a été renforcé de manière significative avec une augmentation de 75 % en 2023, portant le financement annuel à 1 045 000 euros, montant qui a été maintenu en 2025 malgré les contraintes budgétaires pesant sur la collectivité. Cet investissement témoigne de l’importance accordée à l’accompagnement des jeunes et à la réussite des politiques publiques locales d’insertion professionnelle. Il illustre également la volonté du département de garantir un soutien de proximité, durable et adapté aux besoins des jeunes, dans un contexte de restrictions budgétaires nationales et régionales.
Dans leur lettre ouverte, les signataires appellent le ministre à revoir les décisions budgétaires prévues dans le PLF pour 2026, en prenant en considération la situation particulièrement fragile des missions locales de Seine-Saint-Denis et le risque que ces conditions ne s’aggravent encore. Ils soulignent que le financement des missions locales constitue un investissement stratégique pour la réussite des politiques publiques en matière d’insertion professionnelle des jeunes, en garantissant l’accès à des dispositifs adaptés, équitables et efficaces, ainsi que la continuité des parcours pour ceux qui en ont le plus besoin. Ils insistent sur le fait qu’une réduction de ces moyens porterait un coup direct aux dispositifs d’accompagnement et fragiliserait durablement les perspectives d’insertion des jeunes du département.
Les signataires de la lettre regroupent une large coalition d’élus et de responsables de missions locales, représentant l’ensemble du territoire de la Seine-Saint-Denis. Parmi eux figurent Stéphane Troussel, président du département, Mélissa Youssouf, vice-présidente chargée de l’insertion, de l’économie sociale et solidaire et des fonds européens, ainsi que Shems El Khalfaoui, référent départemental des missions locales et président de la Mission locale de CODE. À leurs côtés se trouvent de nombreux maires et présidents de missions locales de villes telles que Saint-Denis, Montreuil, Bobigny, Pantin, Aubervilliers, Sevran, Romainville, Noisy-le-Sec, Villetaneuse, La Courneuve, Saint-Ouen-sur-Seine, Les Lilas, Bagnolet, Épinay-sur-Seine, Rosny-sous-Bois et L’Île-Saint-Denis.
Insertion des jeunes : missions locales en danger
Par Marc Blanc
Publié le 1 décembre 2025 à 14h35 – Temps de lecture : 6 minutes
