À la veille d’intenses discussions budgétaires au sein de l’Union européenne, Paris entend faire entendre sa voix. Le Premier ministre a reçu Christophe Hansen, le commissaire européen à l’Agriculture et à l’Alimentation, pour réaffirmer la position française sur l’avenir de la politique agricole commune (Pac). Au moment où s’ouvre un nouveau cycle de négociations européennes, le gouvernement français veut peser sur les orientations et rappeler que, pour lui, la Pac demeure l’un des piliers essentiels de la construction européenne.
Le contexte ne prête guère à l’optimisme : entre la pression des marchés internationaux, la concurrence des produits importés, la baisse du revenu des exploitants et les inquiétudes liées au renouvellement des générations, le monde agricole traverse une période de fragilité. Les récentes tensions commerciales avec les États-Unis et les débats autour de la transition écologique ont encore accentué la complexité de l’équation. C’est dans ce climat que la France plaide pour une politique agricole « forte, juste et protectrice ».
Le chef du gouvernement a insisté sur la nécessité de maintenir une Pac dotée de moyens suffisants, à la hauteur des défis économiques, sociaux et environnementaux que connaissent les agriculteurs. La France souhaite que cette politique demeure un outil de souveraineté alimentaire, garantissant la sécurité de l’approvisionnement pour l’ensemble des citoyens européens. Elle doit, a rappelé le Premier ministre, continuer de soutenir les exploitants sur tous les territoires, y compris dans les départements et régions d’outre-mer, souvent confrontés à des surcoûts structurels et à des aléas climatiques plus marqués.
Autre exigence : préserver le caractère véritablement commun de la Pac. Si la France se déclare favorable à une simplification des règles européennes, elle refuse qu’elle se traduise par une fragmentation de la politique agricole entre États membres. « Alléger les procédures ne doit pas signifier affaiblir l’unité du marché intérieur ni remettre en cause les standards européens », a plaidé le Premier ministre devant le commissaire Hansen. L’objectif, selon lui, est de garantir la cohérence du cadre européen tout en évitant la multiplication de régimes dérogatoires qui fausseraient la concurrence.
Sur le terrain commercial, la France insiste également sur l’équité des échanges. Paris réclame que les produits importés soient soumis aux mêmes exigences que ceux fabriqués dans l’Union. Autrement dit, un produit ne pourrait entrer sur le marché européen s’il a été cultivé ou fabriqué avec des substances, des pratiques ou des méthodes interdites aux producteurs européens. Pour la France, il s’agit d’une question de justice mais aussi de cohérence écologique. Le Premier ministre a demandé à la Commission européenne de présenter rapidement des propositions concrètes pour mettre en œuvre ces « clauses miroirs », destinées à rétablir une concurrence loyale et à répondre aux attentes croissantes des consommateurs.
Cette exigence suppose aussi de renforcer les moyens de contrôle aux frontières européennes. Selon Matignon, l’Union doit se doter d’outils efficaces pour vérifier le respect de ses normes et garantir que les produits importés répondent bien aux standards exigés à l’intérieur du marché commun. Faute de quoi, les agriculteurs européens risqueraient de devenir, une fois encore, la variable d’ajustement d’une mondialisation dérégulée. À l’issue de sa rencontre avec le commissaire européen, le Premier ministre a adressé un courrier à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, pour formaliser les attentes françaises. Dans cette lettre, il réaffirme la volonté de la France de défendre une politique agricole commune « ambitieuse et équitable », à la fois moteur de compétitivité, de sécurité alimentaire et de cohésion sociale. Paris entend ainsi rappeler que la Pac n’est pas un héritage figé, mais un levier stratégique au service de la transition écologique et du maintien d’une agriculture vivante sur tout le continent.

