C’était un jeudi de juillet comme la région parisienne en connaît souvent : lourd, moite, avec ce ciel qui fait vibrer la lumière. Mais à Lognes, ce 16 juillet 2025, l’atmosphère était chargée d’autre chose que d’ozone. Sur le terrain d’entraînement du Sdis 77, ce sont les sirènes discrètes et les gestes précis qui donnaient le ton. Là, sous les yeux attentifs de leurs encadrants – et du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau – des jeunes sapeurs-pompiers venus de Pologne, de République tchèque, du Luxembourg et de plusieurs départements français se formaient ensemble, dans le cadre d’un programme unique en Europe.
Ce programme, c’est le volet « jeunesse » d’Erasmus, appliqué à un domaine où l’on ne parle pas seulement d’idées, mais de pratiques, d’urgence, de maîtrise. Ici, on apprend à porter une victime, à contenir un départ de feu, à communiquer sous tension. C’est une école du réel, mais aussi de la fraternité. Et tout se joue dans ces interactions discrètes : un regard échangé avant de déployer une échelle, un mot d’encouragement dans une langue qu’on ne comprend qu’à moitié, mais dont le ton suffit.
En observant les groupes à l’œuvre, une chose frappe : malgré les uniformes différents, malgré les écussons et les alphabets, on sent une langue commune. Celle de l’engagement. Il n’y a pas besoin de traduction pour comprendre ce qu’il se passe dans cette coordination fluide. C’est une Europe sans discours, sans protocole pesant. Une Europe de terrain, où l’on apprend les uns des autres en marchant dans la même direction.
Le ministre Bruno Retailleau n’a pas manqué de souligner cette évidence. « Ces jeunes nous rappellent que l’Europe ne se construit pas seulement à Bruxelles, mais ici, sur le terrain, dans les regards croisés, les gestes partagés, les efforts conjoints. Ils représentent un avenir où la solidarité prime sur la concurrence, où le service à l’autre est une vocation et non un slogan. »
Les journées de ce genre, au-delà de leur portée symbolique, ont des effets bien concrets. Ces jeunes sapeurs-pompiers repartiront chez eux avec une autre idée du métier : moins centrée sur la technique nationale, plus ouverte à d’autres manières de faire, d’intervenir, de se préparer. Car derrière les manœuvres, il y a aussi des discussions, des doutes partagés, des repas où l’on compare les équipements, les formations, les histoires. On apprend autant à table que sur le terrain.
Pour le Sdis 77, hôte de l’événement, cette rencontre est aussi une reconnaissance. Celle d’un territoire qui, perçu comme périphérique, devient ici le centre d’une dynamique européenne. Une petite ville de Seine-et-Marne qui, le temps d’une journée, incarne le cœur battant d’un projet de sécurité civile transnational. Une preuve que l’Europe peut aussi se vivre dans des endroits discrets, loin des capitales, mais proches de la réalité.
Il serait facile de réduire cette journée à une opération de communication. Mais ce serait passer à côté de ce qui s’est réellement joué ici : une pédagogie du collectif, un apprentissage précoce du courage partagé. Dans un monde saturé de discours abstraits, ces jeunes proposent un autre récit : celui d’une génération qui choisit d’investir du temps et de l’énergie pour les autres.
La visite ministérielle s’est achevée dans une ambiance apaisée, presque solennelle. Pas de sirènes tonitruantes, pas d’effets spectaculaires. Juste des poignées de main, des mots sobres, et ce sentiment diffus que quelque chose d’essentiel s’est dit sans être prononcé. Comme si, à travers les gestes répétés d’un exercice de secours, se dessinait une idée simple : celle d’une Europe des actes, enracinée dans les mains, les corps, les choix d’une jeunesse qui croit encore en la valeur de l’engagement.
Lognes : l’Europe des pompiers en herbe

Par Marc Blanc
Publié le 22 juillet 2025 à 15h22 – Temps de lecture : 4 minutes