La crise sanitaire, bien que jugulée depuis 2019, a eu de nombreux effets, dont certains persistent. Les longs épisodes de confinement – d’enfermement – ont atteint […]
La crise sanitaire, bien que jugulée depuis 2019, a eu de nombreux effets, dont certains persistent. Les longs épisodes de confinement – d’enfermement – ont atteint la santé mentale de jeunes et moins jeunes, accentuant passablement chez eux une expression qu’on avait un peu oubliée : « l’envie d’en finir ». Alors que des crises d’un autre ordre s’annoncent – difficulté de joindre les deux bouts, peur du lendemain, guerres, dérèglement climatique, etc., la prévention du suicide est plus que jamais devenue un enjeu majeur de santé publique et « une priorité » comme vient de le rappeler le ministre de la Santé et de la Prévention, François Braun à l’occasion de la Journée mondiale sur le sujet.
Le nombre élevé de suicides est dû à de nombreux facteurs, dont les pratiques culturelles, la pression sociale, les conflits familiaux, les difficultés financières et les problèmes de santé mentale. Les atteintes psychologiques touchent un grand nombre de personnes, les jeunes surtout, particulièrement vulnérables. Un lycéen sur cinq se sent déprimé et un sur quatre a déclaré avoir pensé à en finir, avec un pic aux alentours de la seizième année. Le suicide est la deuxième cause de moralité dans la tranche 15-24 ans, mais le passage à l’acte concerne davantage les personnes âgées de 75 ans et plus (33,3 pour 100 000 habitants) suivies par les 55-74 ans (18,1) et les 25-54 ans (15,4).
Si le taux de suicide a baissé ces quinze dernières années (de 20 pour 100 000 habitants en 2000 à 15 pour 100 000 en 2016), les chiffres français, qui sont parmi les plus hauts du continent, restent très préoccupants : 9 300 décès par suicide en 2016, loin devant les 3 500 morts sur la route cette année-là. On compte environ un suicide par heure en France (3 hommes pour une femme), mais également 200 000 tentatives (3 femmes pour 2 hommes), soit 20 fois plus. Celles-ci conduisent à 200 000 passages aux urgences et 100 000 hospitalisations. Aujourd’hui, les plus touchés par ce phénomène – généralement relayé par les médias – sont les détenus, les agriculteurs et les policiers. Plus d’une personne sur 25 est ou sera concernée par le suicide au cours de sa vie, selon le ministère.
Soucieux de cette « contagion », le gouvernement a renforcé sa stratégie nationale de prévention qu’il coordonne à travers plusieurs actions. Prenant en compte le fait que le risque de suicide augmente chez les personnes ayant déjà fait une tentative (3 récidives sur 4 surviennent dans les 6 mois suivant la tentative), il a consolidé son dispositif VigilanS, créé en 2015, qui consiste à mettre en place autour de la personne qui a fait une tentative de suicide tout un réseau de professionnels qui resteront à son contact. Ce dispositif qui a montré son efficacité est aujourd’hui déployé dans 17 régions sur 18, dont 4 régions d’Outre-mer.
Autre initiative récemment actualisée, ladite « formation en prévention du suicide ». Elle s’adresse à tous, citoyens volontaires capables d’entrer en relation avec des personnes en mal-être et professionnels (généralistes, psychiatres, psychologues…) à même de les prendre en charge. L’objectif est de créer dans chaque région ces réseaux de personnes-relais qui repéreront rapidement les personnes ayant besoin d’être aidées pour leur apporter des réponses adaptées. Trois acteurs se succèdent dans cette formation : « la sentinelle » qui repère et oriente la personne, « l’évaluateur » qui évalue son potentiel suicidaire et « l’intervenant de crise » qui évite son passage à l’acte et l’oriente vers des soins ou un accompagnement.
Intégré à la stratégie globale du ministère de la Santé, le programme national Papageno est, quant à lui, un outil incontournable tant dans la prévention de la contagion suicidaire (contagion de masse via les médias, les réseaux sociaux, etc., mais aussi lors d’événements ponctuels dans les institutions comme les écoles) que dans la promotion de l’entraide et du recours aux soins – par la sensibilisation et la communication notamment, par exemple utiliser le traitement médiatique d’un suicide comme un moyen de prévenir le passage à l’acte.
À noter enfin le 3114, numéro national de prévention du suicide, mis en place en octobre dernier. Gratuit et accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 en métropole et Outre-Mer, il apporte une écoute et des réponses aux personnes à risque suicidaire, mais aussi à l’entourage de ces personnes, aux endeuillés et aux professionnels qui ont besoin d’avis ou de conseils. Aujourd’hui, 13 centres sont opérationnels dans les régions et plus de 140 000 appels ont été comptabilisés sur cette ligne depuis son ouverture. Des assos de soutien existent aussi, qui proposent des services d’écoute anonymes et gratuits, comme Nightline France qui se consacre à la santé mentale des étudiants et que le ministre François Braun a visitée ce 9 septembre. Maîtres mots de cette stratégie nationale de prévention : repérer, écouter et prendre en charge.