À Paris, les trottoirs en sont jonchés, les caniveaux en sont saturés, et les égouts en sont les tristes réceptacles : chaque année, près de 350 tonnes de mégots sont ramassées dans les rues de la capitale. Face à ce constat accablant, la Ville de Paris déploie un plan d’action ambitieux, composé de dix mesures, pour tenter de mettre un terme à une pollution aussi insidieuse que coûteuse.
Le chiffre est saisissant : entre 4 et 5 millions de mégots sont ramassés chaque jour par les agents de la Ville. Un geste banal – écraser une cigarette au sol – qui représente pourtant une charge annuelle estimée à 10 millions d’euros pour la collectivité. Derrière cet acte anodin se cache un désastre environnemental : 60 % des cigarettes fumées dans l’espace public terminent leur course sur le bitume, un seul mégot pouvant contenir jusqu’à 4 000 substances chimiques et polluer à lui seul 500 litres d’eau.
C’est dans ce contexte que la municipalité, portée par sa volonté affirmée de réduire la production de déchets de 100 000 tonnes d’ici 2030 et de tripler leur taux de valorisation, a intégré ce « plan mégots » dans sa stratégie globale votée à l’unanimité par le Conseil de Paris en décembre 2024. L’objectif est clair : changer les comportements, outiller les citoyens, responsabiliser les professionnels et renforcer les contrôles.
Le cœur de ce dispositif repose d’abord sur une vaste opération de sensibilisation. Dès cet été, 400 000 cendriers de poche seront gratuitement distribués aux fumeurs, dans les bureaux de tabac et sur les lieux les plus fréquentés, grâce à un partenariat entre la Ville, l’éco-organisme Alcome et les buralistes parisiens. En parallèle, 1 000 clous métalliques marqués de la mention « Ici commence la Seine » seront posés près des bouches d’égout, pour rappeler que tout déchet jeté au sol finit, tôt ou tard, dans le fleuve.
Les professionnels sont eux aussi appelés à jouer leur rôle. Cafés, restaurants, bureaux : tous les lieux disposant de terrasses ou recevant du public seront incités à installer des cendriers accessibles, à travers des campagnes d’information et des interventions sur le terrain par les équipes de la Direction de la Propreté et de l’Eau.
La Ville mise aussi sur l’adaptation de son mobilier urbain. D’ici fin 2025, les 4 600 nouvelles corbeilles de rue du modèle « Cybel » seront toutes équipées d’éteignoirs pour que les fumeurs puissent écraser leur cigarette avant de la jeter. Des cendriers interactifs dits « sondages » viendront compléter ce dispositif : ludiques, incitatifs, ces boîtiers invitent les usagers à répondre à une question en glissant leur mégot dans l’une des deux fentes proposées.
Parallèlement, les événements organisés à Paris devront eux aussi se conformer aux nouvelles exigences. La municipalité rappellera systématiquement sa charte des événements écoresponsables, qui impose la mise en place de cendriers bien visibles. Des stands d’information seront déployés sur les sites sensibles – établissements scolaires, immeubles tertiaires – tandis que des éco-animateurs iront à la rencontre des fumeurs pour les sensibiliser aux bons gestes.
Dans une logique de mobilisation citoyenne, la Ville continuera également à soutenir les initiatives locales. Elle fournira le matériel nécessaire aux nettoyages participatifs (gants, sacs, jauges pour mesurer les mégots ramassés) et se dit ouverte à toute nouvelle expérimentation portée par des associations ou des acteurs économiques souhaitant s’attaquer au problème.
Pour les récalcitrants, la verbalisation reste une arme de dissuasion. La police municipale poursuivra ses opérations de contrôle, notamment dans les quartiers les plus concernés, avec à la clef des amendes de 135 euros pour les fumeurs pris en flagrant délit de pollution.
Par cette série d’actions coordonnées, la Ville de Paris entend faire évoluer les comportements, restaurer la propreté de l’espace public et enrayer un fléau qui nuit à la qualité de vie, à la biodiversité urbaine et à l’image même de la capitale. Car derrière chaque mégot jeté, c’est une goutte d’eau souillée, un trottoir enlaidit, un agent mobilisé, et tout un écosystème fragilisé.
Propreté : croisade anti-mégots

Par Assia Bedja
Publié le 2 juin 2025 à 10h22 – Temps de lecture : 4 minutes