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Protéger les patients : le contrôle avant la chimio

Par Renaud Morelli
Publié le 8 novembre 2025 à 16h43 – Temps de lecture : 4 minutes

Le fluorouracile, ou 5-FU, est un médicament largement utilisé en chimiothérapie pour traiter différents types de cancers, notamment ceux du tube digestif, du sein ou de la sphère ORL. Comme tous les traitements puissants, il comporte des risques. Chez certaines personnes, une enzyme appelée DPD, ou dihydropyrimidine déshydrogénase, peut être insuffisante ou absente. Cette enzyme est indispensable pour éliminer le 5-FU de l’organisme. Sans elle, le médicament peut s’accumuler et provoquer des effets graves, parfois mortels.

Pour cette raison, depuis 2019, tout patient devant recevoir du 5-FU doit subir un test sanguin appelé uracilémie. Ce test permet de détecter un déficit enzymatique. Selon les résultats, le médecin peut adapter la dose du médicament ou, si le déficit est total, décider de ne pas administrer le 5-FU.

Face à des alertes de patients, la Direction générale de la Santé (DGS) a lancé fin 2024 une enquête nationale pour vérifier que cette mesure est bien appliquée dans les hôpitaux. Le ResOmedit a mené l’étude auprès de 590 établissements de santé, en analysant plus de 11 000 premières prescriptions de 5-FU. Les résultats sont rassurants. La grande majorité des patients ont bien reçu le test d’uracilémie avant leur traitement, et les résultats étaient disponibles avant la première cure dans la majorité des cas. Aucun patient présentant un déficit total en DPD n’a été exposé au médicament. Pour les patients présentant un déficit partiel, la dose a été adaptée dans la plupart des cas, et les résultats des analyses ont été rendus dans les délais recommandés.

Malgré ces bonnes pratiques, l’enquête a identifié quelques axes d’amélioration. Certains établissements ne disposent pas d’alerte automatique dans leurs logiciels pour rappeler la réalisation du test avant prescription. Dans d’autres établissements, il n’existe pas de protocole clair pour adapter la dose en cas de déficit partiel. L’accès aux résultats par les pharmaciens est parfois limité et la traçabilité des résultats n’est pas toujours optimale.

Pour renforcer la sécurité des patients, le ResOmedit a formulé plusieurs recommandations. Il s’agit notamment de renforcer les alertes dans les logiciels de prescription et de dispensation, de faciliter l’accès aux résultats via le Dossier médical partagé, de définir les situations d’urgence dans lesquelles le traitement peut commencer avant l’obtention du résultat, d’optimiser le circuit des prélèvements pour réduire les délais, et d’élaborer des recommandations nationales pour ajuster la posologie en fonction du statut enzymatique.

Ces recommandations sont actuellement en cours de mise en œuvre par la DGS, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l’Institut national du cancer (INCa) et la Délégation au Numérique en Santé (DNS). Elles concernent également la capécitabine, un médicament proche du 5-FU utilisé principalement chez les patients ambulatoires, pour lequel le dépistage de la DPD doit être assuré.

La pharmacovigilance reste active. L’ANSM surveille de près les toxicités graves des médicaments contenant du 5-FU ou de la capécitabine, notamment les cas mettant en jeu le pronostic vital. Ces informations sont régulièrement publiées pour sensibiliser les professionnels de santé et rappeler l’obligation de dépistage avant toute prescription.

Cette enquête et les mesures mises en place envoient un signal fort aux patients et aux professionnels de santé. Elles montrent que le dépistage du déficit en DPD est désormais largement intégré dans les pratiques médicales, contribuant à sécuriser les traitements anticancéreux et à protéger la santé des patients. La prochaine étape consiste à étendre cette surveillance et cette sécurisation aux traitements ambulatoires par capécitabine, afin de garantir que tous les patients bénéficient du même niveau de sécurité.