Conditionner le versement du RSA (598 euros mensuels aujourd’hui) à des heures de travail hebdomadaires… la promesse de campagne d’Emmanuel Macron prend forme. Si la mesure est encore […]
Conditionner le versement du RSA (598 euros mensuels aujourd’hui) à des heures de travail hebdomadaires… la promesse de campagne d’Emmanuel Macron prend forme. Si la mesure est encore controversée parce qu’elle suggère qu’on prend du bon temps en attendant le versement de sa prime, le nouveau revenu de solidarité active promet de faire de ses bénéficiaires des… actifs et de les mener à terme vers le plein emploi. Des départements vont tester ce dispositif présenté comme un outil de réinsertion professionnelle. En cas de retours satisfaisants, la réforme sera généralisée en 2024 à tout le territoire, via France Travail, le Pôle emploi du futur.
L’ambition première du RSA, souligne Olivier Dussopt, le ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, était d’aider ses bénéficiaires à retrouver le chemin de l’emploi, à travers un contrat entre eux et les pouvoirs publics. Or aujourd’hui, moins d’un allocataire sur deux bénéficie d’un réel accompagnement. Dans une étude de janvier 2022, la Cour des comptes relevait que seulement 34 % des bénéficiaires du RSA avaient retrouvé un emploi au bout de sept ans, et durablement seulement pour un tiers d’entre eux. Le dispositif « revenu contre travail » se veut donc être un retour aux fondamentaux. Il vise « à redonner à 2 millions de personnes une dignité et une voie d’émancipation par le travail », relève encore le ministre qui vient de confier à Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, une mission relative à ce fameux France Travail, le remplaçant du Pôle Emploi actuel.
Le gouvernement veut être plus efficace, avoir de meilleurs chiffres… et donc créer un guichet unique qui fasse gagner du temps aux chômeurs et tienne vraiment compte des besoins des entreprises. La fusion ANPE et Assedic, vieille de 15 ans, ne suffit plus. Via un logiciel commun, il s’agit désormais de centraliser toutes les structures qui s’occupent de l’emploi, les maisons dédiées, les missions locales de jeunes, les agences de placement, les acteurs de la formation, de l’orientation et de l’insertion, les conseils départementaux qui gèrent le RSA… Thibaut Guilluy devra élaborer d’ici la mi-décembre une feuille de route en concertation avec les départements, les communes, les partenaires sociaux et les acteurs de l’emploi : son premier gros chantier tient précisément à ces expérimentations sur plusieurs bassins de l’accompagnement des allocataires du RSA.
Ces tests renforcés de douze mois seront lancés dès cet automne dans une dizaine de sites « pilotes » de départements volontaires qui, en pratique, proposeront de 15 à 20 heures hebdomadaires de travail à des bénéficiaires du RSA avec une phase de diagnostic et d’orientation, puis une immersion dans les entreprises. Pour rappel, touchent aujourd’hui ce revenu de solidarité sans contrepartie les personnes de plus de 25 ans sans activité, ainsi que les moins de 25 ans s’ils ont travaillé au moins deux ans dans les trois années précédant la demande. Le département des Bouches-du-Rhône a manifesté sa volonté de faire partie du dispositif, tout comme celui de l’Essonne qui compte 31 500 allocataires et souffre de pénurie de main-d’œuvre dans ses secteurs de la restauration, du social ou du BTP. Les Alpes-Maritimes, La Somme et le Nord ont également levé le doigt, à l’instar de La Creuse qui se dit satisfaite qu’on se penche enfin sur ce « sujet politique ». L’Ardèche aussi est sur les rails, mais pour seulement 10 heures de travail par semaine, a précisé la collectivité. Tout porte à croire que les départements « pilotes » auront en effet une certaine autonomie concernant le nombre d’heures de travail et les sanctions en cas de non-respect des règles.
Le fait est que cette réforme présente des lacunes. Dans le Haut-Rhin par exemple, un RSA sous conditions a déjà été mis en place, contre sept heures de travail par semaine, certes sur la seule base de volontariat. Résultat : seulement 3 % des allocataires se sont manifestés. On regrette surtout que ces emplois à pourvoir soient forcément peu durables, sous-payés et à temps très partiel, alors qu’ils sont censés permettre de sortir de la précarité. Une autre difficulté tient sans doute au choix des allocataires dont certains, pudiquement nommés « les plus éloignés » – un tiers environ – sont dans une telle détresse qu’ils ne pourront envisager un retour immédiat dans le monde du travail. Si le dispositif prévoit de les exempter, encore faut-il parfaitement les identifier, car en cas de refus, le RSA sera supprimé, et c’est là aussi que le bât blesse. On aurait préféré le dialogue à une sanction qui s’apparente plus à une « SDFisation » des pauvres.
Cette réforme interroge enfin l’idée même qu’on se fait du RSA. On le présente comme un revenu généreux qui aurait multiplié par deux le nombre de ses bénéficiaires en 10 ans, un chiffre ramené par la Cour des comptes à une progression de seulement 46 %. On le voit comme un supplément de confort alors qu’il s’agit le plus souvent d’un revenu de survie, même s’il est établi que des fraudes existent – comme dans toutes les allocations. Les politiques volontaristes existent pourtant. À travers son dispositif Ha-Py Actifs, le département des Hautes-Pyrénées a pris l’initiative, dès 2018, de verser le RSA, non plus au demandeur d’emploi, mais à l’employeur qui l’embauche. Une idée qui devrait faire des émules. Olivier Dussopt, qui y était d’ailleurs le 9 septembre dernier (photo), a dû prendre son carnet de notes. Le ministre rappelle à toutes fins utiles que dans le nouveau projet cher au président Macron, l’allocataire touchera un bonus de 200 euros s’il accepte une proposition d’emploi. Un petit cadeau… Cadeau d’adieu à la vie facile ou au filet de sécurité ?, toute la question est là.