Au SeineLab de La Seine musicale, le Département des Hauts-de-Seine met en lumière une part longtemps occultée de l’histoire musicale avec Un orchestre à soi, une installation immersive consacrée aux compositrices effacées des récits officiels. Inscrite dans la saison 2025-2026 du SeineLab, placée sous le signe de « À l’écoute de l’invisible », cette création propose une expérience à la fois artistique, documentaire et participative, invitant le public à redécouvrir des œuvres et des trajectoires restées dans l’ombre pendant des siècles.
Pensée comme un orchestre imaginaire, l’installation déploie une composition électroacoustique spatialisée mêlant une trentaine de chants de compositrices, du Moyen Âge jusqu’au début du XXe siècle. Les voix, diffusées à travers des pupitres vibrants, se répondent et s’entrelacent pour former un chœur vivant, mouvant, qui enveloppe le visiteur. Cette immersion sonore est prolongée par une dimension visuelle : sur de grands voiles transparents surgissent les visages d’Hildegard von Bingen, Francesca Caccini, Sophie Gail ou encore Louise Farrenc. Leurs portraits côtoient des extraits de lettres, de journaux intimes et de critiques d’époque, donnant à entendre les ambitions, les obstacles et les combats de ces musiciennes dans des sociétés qui leur laissaient peu de place.
L’expérience se veut également ouverte et collective. Un dispositif de karaoké collaboratif permet aux visiteurs de prêter leur propre voix à l’installation. Analysée en temps réel, celle-ci s’intègre à la composition et transforme chaque passage en une version unique de l’œuvre, faisant de Un orchestre à soi une création en perpétuelle évolution.
À cette installation s’adosse une série documentaire du même nom, réalisée en collaboration avec France Télévisions. En huit épisodes de cinq minutes, elle retrace les parcours de compositrices majeures telles qu’Hildegard von Bingen, Francesca Caccini, Élisabeth Jacquet de La Guerre, Hélène de Montgeroult, Sophie Gail, Louise Farrenc, Alma Mahler ou Ethel Smyth. Entre archives, entretiens et séquences animées, cette série adopte un ton accessible et pédagogique pour éclairer à la fois leur œuvre et les mécanismes historiques de leur invisibilisation. Des bornes d’écoute complètent le dispositif, permettant de découvrir des pièces interprétées par les formations résidentes de La Seine musicale, notamment Insula orchestra dirigé par Laurence Equilbey et les Jeunes Talents de l’Académie musicale Philippe Jaroussky.
Un orchestre à soi est le fruit de la collaboration entre Léa Chevrier et Laureline Amanieux. Diplômée de l’ENS Louis-Lumière, Léa Chevrier explore depuis plusieurs années les potentialités narratives du son spatialisé, nourrie par sa formation en musique ancienne et son engagement pour la redécouverte des compositrices. Cette installation constitue sa première création sonore d’envergure muséale. Laureline Amanieux, autrice et réalisatrice de documentaires pour Arte et France Télévisions, apporte quant à elle une approche rigoureuse et sensible, ancrée dans la transmission culturelle et la valorisation des parcours féminins.
Accueillie au SeineLab avec le soutien du Département des Hauts-de-Seine, l’exposition bénéficie de nombreux partenariats, notamment avec le Centre national de la musique, la Sacem, le CNC Talents, la Procirep-Angoa, plusieurs collectivités territoriales et le ministère de la Culture. Des temps forts viendront ponctuer la programmation, parmi lesquels une rencontre avec les artistes et une performance de Léa Chevrier en janvier 2026, ainsi qu’une conférence organisée en février en partenariat avec La Pop.
Présentée du 22 janvier au 16 mai 2026, l’installation est accessible gratuitement au SeineLab de La Seine musicale, à Boulogne-Billancourt, du mercredi au samedi, avec des horaires élargis les soirs de concert.
Seine Lab : les compositrices reprennent voix
Par Marie Aschehoug-Clauteaux
Publié le 24 décembre 2025 à 10h59 – Temps de lecture : 4 minutes
