Ce 1er décembre 2022 marque la Journée mondiale de lutte contre le VIH. État des lieux et des enjeux.
Organisée dans de nombreux pays par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1988, cette journée vise à informer et à sensibiliser le grand public quant aux moyens préventifs, au traitement et à la prise en charge du virus d’immunodéficience humaine (VIH) ou Sida. On estime à 38,4 millions le nombre de personnes vivant avec le VIH à la fin de 2021, dont plus des deux tiers dans la Région africaine de l’OMS. De nouvelles données du Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida) sur la riposte mondiale au VIH révèlent un ralentissement des progrès de la lutte contre la pandémie de VIH et une réduction des ressources au cours des deux dernières années de Covid-19 et d’autres crises mondiales, ce qui met des millions de vies danger.
Un faible recul des infections
Dans le monde entier, le nombre de nouvelles infections au VIH n’a reculé que de 3,6 % entre 2020 et 2021, ce qui correspond à la plus faible baisse annuelle depuis 2016. Depuis plusieurs années, l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, ainsi que l’Amérique latine enregistrent une augmentation des infections annuelles au VIH. En Asie-Pacifique, la région la plus peuplée du monde, les données actuelles de l’Onusida révèlent une recrudescence des nouvelles infections au VIH là où elles avaient baissé. La reprise des infections dans ces régions est alarmante. En Afrique orientale et australe, la dynamique a considérablement ralenti en 2021 après des années de progrès à un rythme soutenu. Mais tout n’est pas négatif : les nouvelles infections au VIH en Afrique occidentale et centrale et dans les Caraïbes baissent considérablement. Pourtant, même dans ces régions, la riposte au VIH est menacée par une diminution des ressources.
Les profondes inégalités nationales et internationales ralentissent les progrès de la riposte au VIH et le virus creuse à son tour ces inégalités. Les nouvelles infections ont touché de manière disproportionnée les jeunes femmes et les adolescentes, avec une nouvelle infection toutes les deux minutes au sein de cette population en 2021. L’impact du VIH selon le sexe, en particulier pour les jeunes femmes et les filles africaines, s’est produit dans un contexte de perturbation des services essentiels de prévention et de traitement du VIH, de déscolarisation de millions de filles imputables aux pandémies et de pics de grossesses adolescentes et de violences sexistes. En Afrique subsaharienne, les adolescentes et les jeunes femmes sont trois fois plus susceptibles de contracter le VIH que les adolescents et les jeunes hommes.
Au cours des perturbations des dernières années, les populations clés ont été particulièrement touchées dans de nombreuses communautés avec une prévalence qui repart à la hausse dans de nombreux endroits. Par ailleurs, les inégalités raciales aggravent les risques face au VIH. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, les nouveaux diagnostics du VIH ont davantage baissé parmi les populations blanches que parmi les personnes noires. Dans des pays comme l’Australie, le Canada et les États-Unis, les taux d’acquisition du VIH sont plus élevés dans les communautés indigènes que dans les communautés non indigènes.
Un fléchissement des efforts
L’Onusida signale également un fléchissement des efforts visant à garantir l’accès à un traitement antirétroviral vital à toutes les personnes séropositives. En 2021, l’augmentation du nombre de personnes sous traitement anti-VIH a été la plus faible depuis plus de dix ans. Bien que les trois quarts de toutes les personnes séropositives aient accès à un traitement antirétroviral, ce n’est pas le cas pour environ 10 millions d’autres, et seule la moitié (52 %) des enfants séropositifs a accès à des médicaments vitaux. Ici, l’écart entre la couverture du traitement anti-VIH chez les enfants et les adultes tend à se creuser plutôt qu’à se résorber. En 2021, la pandémie de sida a été responsable en moyenne d’un décès par minute, soit 650 000 décès dus au sida malgré l’existence d’un traitement efficace du VIH et d’outils pour prévenir, détecter et soigner les infections opportunistes.
Des différences significatives existent entre les pays. Les Philippines, Madagascar, le Congo et le Soudan du Sud figurent parmi les pays qui ont enregistré les plus importantes augmentations du nombre de nouvelles infections au VIH depuis 2015. À l’opposé, l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Inde et la République unie de Tanzanie ont enregistré des baisses parmi les plus flagrantes du nombre d’infections au VIH, même dans le contexte de la Covid-19 et d’autres crises. Au rythme actuel, le nombre de nouvelles infections par an dépasserait 1,2 million en 2025. Cette année correspond à l’échéance fixée par les États membres des Nations Unies pour réduire les nouvelles infections au VIH à moins de 370 000. Cela signifierait non seulement que l’humanité n’a pas tenu sa promesse sur les nouvelles infections, mais que ces dernières seraient plus de trois fois supérieures à cet objectif. Des millions d’infections évitables au VIH chaque année compliquent l’action et augmentent les coûts pour garantir l’accès des personnes séropositives à un traitement vital et la réalisation des objectifs de mettre fin à la pandémie de sida d’ici 2030.
Une réduction des aides
La pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine sont venues attiser les risques pour la riposte au VIH. Les remboursements de la dette pour les pays les plus pauvres du monde ont atteint 171 % de l’ensemble des dépenses de santé, d’éducation et de protection sociale combinées, ce qui tue dans l’œuf leurs capacités à riposter au sida. Le financement national de la riposte au VIH dans les pays à revenu faible et intermédiaire baisse depuis deux ans. Une des conséquences de la guerre en Ukraine est l’augmentation considérable des cours mondiaux des produits alimentaires. Cela aggrave l’insécurité alimentaire des personnes séropositives dans le monde entier et rend les interruptions de traitement du VIH beaucoup plus probables.
Trop de pays à revenu élevé réduisent leur aide, et le financement de la santé mondiale est sérieusement menacé. En 2021, les ressources financières internationales disponibles pour le VIH étaient 6 % inférieures à celles de 2010. L’aide au développement à l’étranger pour le VIH fournie par des donateurs bilatéraux autres que les États-Unis d’Amérique a chuté de 57 % au cours de la dernière décennie. 8 milliards de dollars manquent à la riposte au VIH dans les pays à revenu faible et intermédiaire par rapport au niveau nécessaire d’ici 2025. Les règles commerciales mondiales empêchent les pays à revenu faible et intermédiaire de produire les médicaments capables de mettre fin à la pandémie, y compris les traitements anti-VIH innovants et prometteurs à action prolongée. Par ailleurs, elles maintiennent les prix à un niveau trop élevé pour que ces pays les achètent en grande quantité.
Les dirigeants et dirigeantes sont toujours en mesure de ramener la riposte sur le droit chemin. Cela nécessite à la fois une action nationale et une solidarité internationale. L’année dernière, les leaders ont convenu d’une feuille de route, définie dans la Déclaration politique sur le VIH et le sida, pour mettre fin au sida d’ici 2030 si elle est respectée en tous points. Cet objectif est tout à fait réalisable et abordable : en effet, l’éradication du sida coûtera beaucoup moins cher que de continuer à vivre avec le sida. Il est important de noter que les actions nécessaires pour mettre fin au sida permettront également à l’humanité d’être mieux protégée contre les menaces des futures pandémies.
Des signes encourageants
Ce mois de novembre, les donateurs ont annoncé qu’ils allaient augmenter leur financement en faveur du travail de l’Onusida, travail fondé sur des données probantes et les droits humains pour mettre fin au sida. Lors d’un échange de qualité au siège mondial de l’Onusida à Genève, les Pays-Bas et l’Allemagne ont annoncé une rallonge de leur enveloppe allouée, en plus des ressources déjà promises. L’Allemagne a annoncé une enveloppe supplémentaire de 500 000 € et les Pays-Bas ont promis un supplément de 3 millions d’euros et une augmentation de 15 % de leur financement ainsi qu’un accord pluriannuel avec l’Onusida concernant leur financement pour 2023-2025.
Le Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida) guide et mobilise la communauté internationale en vue de concrétiser sa vision commune : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida. » L’Onusida conjugue les efforts de 11 institutions des Nations Unies – le HCR, l’Unicef, le Pam, le Pnud, l’UNFPA, l’UNODC, Onu Femmes, l’OIT, l’Unesco, l’OMS et la Banque mondiale. Il collabore étroitement avec des partenaires mondiaux et nationaux pour mettre un terme à l’épidémie de sida à l’horizon 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable.