Le 21 juin 2024, un accord stratégique a été signé par plusieurs ministres et acteurs clés de l’industrie énergétique et aéronautique française. Éric Lombard, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Marc Ferracci, ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie, et Philippe Tabarot, ministre chargé des Transports, ont scellé avec les représentants industriels et syndicaux un volet essentiel du contrat stratégique de filière « Nouveaux systèmes énergétiques », consacré aux carburants d’aviation durables (CAD). Cette signature marque une étape cruciale pour la construction d’une filière française compétitive et écologique, au cœur des ambitions nationales pour la décarbonation du secteur aérien.
L’accord définit une feuille de route ambitieuse pour la période 2024-2027, reposant sur quatre priorités majeures. Il s’agit d’abord de bâtir une stratégie volontariste visant à produire en quantité suffisante des biocarburants et carburants de synthèse d’ici 2030, non seulement pour répondre aux besoins nationaux, mais aussi pour envisager une position d’exportateur. La mise en place d’une industrie robuste sur le territoire français est un second objectif, avec pour ambition de lever les obstacles à l’investissement tout en garantissant une concurrence équitable entre les compagnies aériennes. La troisième priorité concerne la garantie d’une production durable et compétitive, via un renforcement de la traçabilité et une lutte active contre les importations non conformes. Enfin, l’accord prévoit de soutenir les premiers projets industriels avant la fin de la décennie, facilitant l’accès aux terrains nécessaires et accompagnant les initiatives stratégiques qui permettront d’asseoir la souveraineté industrielle de la France dans ce secteur.
Le développement des carburants d’aviation durables s’inscrit dans un cadre européen exigeant, en cohérence avec l’objectif de neutralité carbone fixé pour 2050. L’Union européenne a en effet instauré des mandats progressifs d’incorporation de ces carburants dans les vols au départ de ses aéroports, via le règlement ReFuelEU aviation. Cette démarche est d’autant plus nécessaire que les autres mesures de réduction des émissions — sobriété énergétique, éco-pilotage, renouvellement des flottes —, bien qu’importantes, ne suffiront pas à elles seules à atteindre la neutralité climatique du secteur. Les carburants durables, compatibles avec les avions actuels, sont ainsi identifiés comme le levier principal pour décarboner rapidement l’aviation.
En France, cette filière est déjà en mouvement. Plusieurs raffineries produisent des biocarburants d’aviation, et quatre projets innovants de production de carburants de synthèse (eSAF et ebioSAF) ont été récemment sélectionnés dans le cadre de l’appel à projets Carb’Aero, avec un soutien financier de l’État de 100 millions d’euros. Ces initiatives s’appuient notamment sur l’électricité décarbonée produite sur le territoire, ainsi que sur la capture de CO2, pour produire des carburants d’aviation durables de nouvelle génération.
Les ministres impliqués ont tous souligné l’importance stratégique de cet engagement. Éric Lombard a rappelé que le développement des CAD est un levier majeur pour la souveraineté industrielle et énergétique française, tout en créant de l’emploi et en soutenant une industrie innovante et compétitive. Marc Ferracci a mis en avant le leadership mondial de la France dans l’aéronautique, avec la volonté de faire du pays un pionnier dans le transport aérien décarboné, porté par des projets industriels ambitieux. Quant à Philippe Tabarot, il a salué la coopération entre industriels, syndicats et pouvoirs publics, affirmant que ce contrat renforce la capacité collective à relever les défis climatiques tout en préservant la compétitivité de la filière aéronautique.
Les co-présidents du Comité stratégique de filière (CSF) « Nouveaux Systèmes énergétiques », Stéphane Michel (TotalEnergies) et Laurent Bataille (Schneider Electric), ont aussi exprimé leur enthousiasme. Stéphane Michel a souligné que les SAF représentent une véritable filière d’avenir, conciliant transition énergétique et industrielle. Laurent Bataille a rappelé que la France dispose d’atouts considérables, notamment une électricité largement décarbonée, permettant le développement de carburants de synthèse compétitifs. Christian Gauthier, pilote du groupe de travail SAF au sein du CSF et dirigeant chez Air France, a insisté sur le rôle clé des carburants durables pour assurer la souveraineté énergétique et industrielle, tout en garantissant la compétitivité des compagnies aériennes françaises face à la concurrence internationale.
Ce contrat s’inscrit dans une dynamique plus large, portée par le Comité stratégique de filière Nouveaux Systèmes énergétiques, qui rassemble les acteurs industriels de la transition énergétique en France. Cette filière représente un poids économique significatif avec plus de 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires et près de 250 000 emplois. Son programme de travail formalise un partenariat fort entre l’État, les industriels et les syndicats, visant à accélérer la transformation industrielle tout en adaptant les compétences aux besoins futurs.