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Transition écologique : les Yvelines à la croisée des chemins

Par Marie Aschehoug-Clauteaux
Publié le 17 juin 2025 à 09h57 – Temps de lecture : 8 minutes

Dans les Yvelines, la transition écologique est bien engagée, mais les enjeux restent considérables. Alors que l’urgence climatique impose une transformation profonde des territoires, ce département francilien avance à son rythme, entre dynamiques locales, directives nationales et inerties structurelles. Un récent baromètre publié par la Direction départementale des territoires (DDT) dresse un état des lieux actualisé de la situation environnementale, énergétique et territoriale, et permet de mieux cerner les défis à venir. Ce rapport, aussi technique que stratégique, constitue un outil précieux pour piloter les politiques locales, adapter les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et ajuster les actions à la réalité du terrain.
Transports et bâtiments : les deux piliers de la pollution
Les données collectées confirment une tendance connue, mais encore préoccupante : les deux principaux secteurs responsables des émissions de gaz à effet de serre dans les Yvelines sont les transports (39,2 %) et les bâtiments (39,1 %). Cette configuration s’explique par une double dépendance : d’une part, celle à la voiture individuelle, qui demeure le mode de déplacement majoritaire ; d’autre part, celle à des systèmes de chauffage encore largement fondés sur le gaz et le fioul. Résultat : les niveaux d’émissions dépassent sensiblement la moyenne nationale.
Cependant, les efforts engagés commencent à porter leurs fruits. Entre 2005 et 2021, les émissions globales ont diminué de 22 %, permettant au département d’atteindre les objectifs du schéma régional climat-air-énergie (SRCAE). Des mesures incitatives, comme les aides à la rénovation thermique ou le développement des transports collectifs et alternatifs, ont sans doute joué un rôle déterminant dans cette évolution.

Une consommation d’énergie en repli, mais encore très carbonée
Si le bâtiment représente toujours le principal poste de consommation d’énergie (près de 59 %), les transports restent un secteur très énergivore (29 %), tiré par la prépondérance de la voiture. Dans l’ensemble, la consommation finale d’énergie a reculé de 21 % sur la période 2005-2021. Ce recul est en partie dû à des gains d’efficacité dans l’industrie, encouragés par des subventions et des plans de performance énergétique.
Le mix énergétique, en revanche, demeure dominé par les énergies fossiles : près des deux tiers de l’énergie consommée dans les Yvelines proviennent encore du gaz et du pétrole. L’électricité couvre un tiers des usages, tandis que les réseaux de chaleur – pourtant prometteurs pour décarboner – restent encore marginaux.

Le parc immobilier au cœur des enjeux de transition
Le diagnostic énergétique du bâti yvelinois révèle un parc majoritairement peu performant. Les logements classés D ou E sur le DPE (diagnostic de performance énergétique) sont largement majoritaires, et les « passoires thermiques », classées F ou G, restent nombreuses, surtout parmi les immeubles construits entre 1948 et 1988. À cela s’ajoute une spécificité locale préoccupante : 7 % des logements principaux sont encore chauffés au fioul, un taux qui constitue le plus élevé d’Île-de-France. Cette situation souligne l’urgence de renforcer les politiques de rénovation énergétique, notamment dans le parc privé ancien.

Les énergies renouvelables : un potentiel sous-exploité
La production locale d’énergies renouvelables dans les Yvelines reste modeste. En 2021, l’électricité produite à partir de sources renouvelables ou de récupération n’a couvert que 2,3 % des besoins énergétiques du territoire. Pourtant, le potentiel est réel, notamment en matière de solaire photovoltaïque : les études estiment qu’avec un déploiement massif sur les toitures et les parkings, près de 3,6 TWh pourraient être produits chaque année, soit environ 45 % de la consommation électrique actuelle.
Des progrès sont toutefois visibles du côté des réseaux de chaleur, qui intègrent désormais près de 46 % d’énergies renouvelables, contre 24 % en 2019. Le développement de ces infrastructures, soutenu par l’État, les collectivités et des dispositifs réglementaires, représente un levier essentiel pour la décarbonation du chauffage collectif.
La loi du 10 mars 2023, visant à accélérer la production d’énergies renouvelables, a renforcé cette dynamique en instituant les zones d’accélération, définies localement par les communes. Près d’un tiers des communes yvelinoises a déjà désigné de telles zones, ouvrant la voie à un déploiement plus large de projets solaires, éoliens ou biomasse à l’échelle départementale.


Une mobilité encore très dépendante de la voiture
Le territoire des Yvelines est encore fortement structuré autour de l’usage de l’automobile. Plus d’un actif sur deux (55,2 %) utilise son véhicule personnel pour se rendre au travail. Les alternatives progressent, mais restent marginales : seuls 1,6 % des déplacements domicile-travail s’effectuent à vélo, malgré l’existence de près de 800 kilomètres de voies cyclables. La répartition de ces infrastructures est par ailleurs très inégale d’une intercommunalité à l’autre.
Le covoiturage, bien qu’en croissance, reste en deçà des ambitions fixées au niveau national pour 2027. Le parc de véhicules électriques, quant à lui, représente à peine 3 % de l’ensemble des véhicules en circulation. Un déficit d’infrastructures de recharge vient freiner l’expansion de la mobilité électrique : en 2022, on recensait seulement un point de charge pour 17 véhicules, là où il faudrait multiplier ce chiffre par quatre d’ici 2030 pour répondre à la demande attendue.


L’aménagement sous la contrainte du « zéro artificialisation nette »
Entre 2011 et 2021, les Yvelines ont vu disparaître 1 576 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers. Cette perte de foncier, en grande partie liée à l’habitat (53 %) et aux activités économiques (36 %), pose la question de l’équilibre entre développement et préservation. La loi Climat et Résilience impose désormais un cadre strict : à horizon 2050, toute artificialisation nette devra être compensée. Cela suppose de favoriser la densification, la réutilisation des friches urbaines, et de repenser les logiques d’étalement.
Pour aider les communes à s’adapter à cette exigence, l’État met à disposition des outils de diagnostic, comme le rapport triennal d’artificialisation des sols, et encourage les démarches de planification durable.


Des outils pour une transition territoriale cohérente
Le baromètre publié par la DDT ne se limite pas à une photographie de la situation. Il constitue un véritable outil de gouvernance locale, permettant aux collectivités de s’aligner sur les objectifs nationaux tout en tenant compte des spécificités locales. La Communauté yvelinoise de la Transition écologique (CYTé), animée par la DDT, joue aussi un rôle de catalyseur : elle favorise les échanges entre collectivités, experts et institutions, et organise des rencontres techniques pour les responsables des PCAET. Cette coordination est précieuse pour nourrir une dynamique collective et partagée.


Des signaux positifs, mais une mobilisation encore à amplifier
Le bilan dressé par le baromètre témoigne de résultats encourageants : baisse des émissions de gaz à effet de serre, réduction de la consommation énergétique dans l’industrie, progression du réseau cyclable, et doublement en cinq ans de la part d’énergies renouvelables dans les réseaux de chaleur.
Mais les défis restent nombreux. La dépendance à la voiture, la faiblesse des énergies renouvelables dans le mix local, le retard sur les bornes de recharge ou encore la persistance des passoires thermiques montrent que la transition reste incomplète. Les Yvelines, département largement rural et forestier (72 % de son territoire est composé d’espaces naturels, agricoles ou boisés), disposent pourtant d’atouts considérables pour accélérer cette mutation.
Le chemin vers un territoire plus sobre, plus vert et plus résilient est déjà entamé. Reste à le poursuivre avec cohérence, ambition, et en impliquant tous les acteurs du territoire – collectivités, citoyens, entreprises – dans une dynamique collective à la hauteur des enjeux.


La transition écologique, c’est repenser notre manière de produire, de consommer, de nous déplacer, de chauffer nos maisons ou de cultiver nos champs. L’idée, ce n’est pas de revenir en arrière ou de renoncer au confort, mais d’inventer un mode de vie qui respecte davantage la nature, qui utilise moins d’énergie, qui génère moins de déchets, et qui soit plus équilibré, à la fois pour les humains et pour la planète. C’est un défi, bien sûr. Mais aussi une chance : celle de construire un monde plus sain, plus juste, plus durable.