Hier, il y avait foule devant le siège parisien d’Uber France. 500 livreurs de sa plate-forme de livraison Uber Eats (350 selon la police) étaient venus dénoncer la déconnexion, le 6 septembre dernier, de 2 500 comptes « frauduleux » sur les 60 000 actifs sur le territoire national. 2 500 personnes, dont nombre de sans-papiers, jeunes, mais aussi pères de famille, se sont ainsi retrouvées sans emploi du jour au lendemain. C’est « la plus grosse manifestation de livreurs » à l’échelle européenne, a indiqué Jérôme Pimot, porte-parole du Collectif des livreurs autonomes de Paris (Clap).
Dans le monde de l’ubérisation, on ne licencie plus dans les règles, on déconnecte… Ces pros du repas à domicile mis au chômage d’un simple clic ont scandé « Uber voleurs » ou « Justice pour les livreurs », accusant l’entreprise de profiter de leur fragilité et lui rappelant qu’elle était bien contente de les « embaucher » et de les faire travailler dans des conditions parfois extrêmes pendant les périodes très lucratives de confinement – pour rappel, chez Uber Eats, comme chez Deliveroo d’ailleurs, les livreurs relèvent du statut d’indépendant, ils ne signent pas de contrat et ne sont pas salariés de l’entreprise. Une indépendance qui les plonge aujourd’hui dans une extrême précarité.
Ces mises à la porte ont attisé la colère de ces travailleurs car elles témoignent, selon eux, de l’hypocrisie de la firme américaine qui semble découvrir ce problème de fraudes alors que depuis plusieurs années, elle n’a jamais été trop regardante sur les photos et les identités de ses coursiers. Début septembre, Deliveroo son compère britannique était condamné à payer à l’Urssaf 9,7 millions d’euros pour dissimulation de 2 286 emplois de livreurs. Hasard du calendrier ? Peu probable. Depuis que les pouvoirs publics ont donné un coup de pied dans la fourmilière en exigeant plus de contrôle et de transparence, le monde opaque de la livraison des repas fait dégringoler ses scooters.
Uber Eats qui se dit ouvert « à toute discussion sur le sujet de la fraude et celui de l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité », a expliqué pour sa part que ces désactivations sont la conséquence d’un audit réalisé dans le cadre de la lutte contre la sous-location irrégulière des comptes demandée par le gouvernement en septembre 2021. Application du droit français donc et non pas, comme dénoncée par les principaux intéressés, « une purge ». Refusant de recevoir le Clap – qui a lancé un appel à des blocages pacifiques devant les McDo, Burger King et autres KFC –, la plate-forme américaine s’est contentée de rappeler la possibilité de faire appel de sa décision. Les personnes bannies, elles, ont créé un compte Telegram pour demander précisément leur régularisation par le travail. Un droit pour l’heure réservé aux seuls salariés.