L’affaire secoue le petit monde de la livraison des repas (à toute heure et en scooter). Par un jugement du tribunal de Paris, la plateforme britannique Deliveroo […]
L’affaire secoue le petit monde de la livraison des repas (à toute heure et en scooter). Par un jugement du tribunal de Paris, la plateforme britannique Deliveroo est condamnée à payer à l’Urssaf 9,7 millions d’euros pour dissimulation de 2 286 emplois de livreurs – et cela ne concerne que l’Île-de-France entre le 1er avril 2015 et le 30 septembre 2016. Détail du versement tel que communiqué : 6 431 276 euros « au titre des cotisations et contributions sociales », 2 489 570 euros « au titre des majorations de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé » et 756 033 euros « au titre des majorations de retard provisoires ».
Si cette décision est parfaitement justifiée pour l’Urssaf, elle n’est jugée « ni régulière ni équitable » par l’entreprise britannique qui a fait savoir qu’elle allait faire appel. Deliveroo rappelle qu’elle peut démontrer qu’elle n’est qu’une plateforme de mise en relation entre des clients et des restaurants partenaires, ses livreurs relevant du statut d’indépendant, autrement dit, des prestataires autoentrepreneurs qui ne bénéficient peut-être pas d’engagement contractuel, mais peuvent travailler quand ils veulent, où ils veulent, accepter ou non une livraison, bref se connecter quand ils le souhaitent… Ce sont d’ailleurs cette liberté et cette flexibilité qui intéresseraient au plus haut point les jeunes qui se lancent dans ce métier. Pour l’entreprise britannique, des décisions rendues par des juridictions françaises le prouvent, l’enquête de l’Urssaf se basant sur un modèle obsolète.
Le tribunal considère pour sa part que la livraison relève « indissociablement » de l’activité de la plateforme, estimant qu’une telle organisation constitue bel et bien une atteinte volontaire au droit du travail. Les coursiers sont certes officiellement indépendants, mais ils restent… dépendants de la plateforme. Habillage juridique donc. Ce statut n’est d’ailleurs pas aussi rose qu’on peut le prétendre, leurs charges d’autoentrepreneur réduisant considérablement leurs revenus, déjà peu élevés. Nombre d’entre eux ont d’ailleurs quitté Deliveroo pour le secteur très en vogue du quick commerce – ou commerce rapide, chez les allemandes Gorillas et Flink ou la française Cajoo par exemple. Différence notable : lesdites sociétés leur octroient un statut de salarié en CDI. Moins de liberté ? Peut-être. Mais des rémunérations au moins équivalentes et souvent supérieures.
Ces livraisons ultrarapides (en 10 minutes !) ont vu leur essor pendant la pandémie. On apporte à domicile, non pas des plats préparés, mais des produits du quotidien entreposés dans des dark-stores, espèces d’entrepôts situés stratégiquement dans les villes, notamment Paris, car c’est la capitale qui est essentiellement desservie par ce nouveau commerce à succès. En tout état de cause, en plus d’inciter à plus de considération à l’égard de ces emplois fragiles et précaires, l’affaire Deliveroo pourrait donner quelques sueurs à son concurrent direct, un certain Uber Eat, émanation d’Uber, le célèbre service de VTC. Point commun : ils sont amateurs d’auto-entrepreneuriat.